«A Most Wanted Man» d’après John le Carré, avec Philip Seymour Hoffman – Bible urbaine

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«A Most Wanted Man» d’après John le Carré, avec Philip Seymour Hoffman

«A Most Wanted Man» d’après John le Carré, avec Philip Seymour Hoffman

Un grand acteur au service d’une mécanique bien huilée

Publié le 25 juillet 2014 par Isabelle Léger

Crédit photo : Les Films Séville

S’il y a un sujet sur lequel les intérêts nationaux priment sur la collaboration, même entre pays amis, c’est bien celui du terrorisme et plus particulièrement de son financement. Devant une situation offrant à toutes les parties prenantes une occasion de marquer des points dans leur propre sphère, difficile de rester fidèle à sa parole, malgré une bonne dose de bonne foi chez chacun. Voilà l’articulation de ce drame d’espionnage réaliste signé Anton Corbijn (Control et The American), qui vise juste sans faire couler de sang.

Disons-le tout de suite: ce film aurait été à voir quoi qu’il eût raconté puisqu’il s’agit du dernier film de Philip Seymour Hoffman, décédé subitement en février dernier. Juste, naturel et nuancé, totalement investi comme à son habitude, Hoffman y tient le rôle central du chef d’une petite unité spéciale œuvrant en marge (mais sous leurs ordres) des services de renseignement officiels allemands, à Hambourg. Dévoué, persévérant et intuitif, ce Gunter Bachmann est certes un peu rustre par ses fréquentations, alcolo et fumeur en série, mais n’en est pas moins bienveillant avec ses collègues et informateurs. Ce qui ne l’empêchera pas de traiter la jeune avocate idéaliste Annabel Richter (Rachel McAdams) de travailleuse sociale pour terroristes.

Ce poste lui ayant été dévolu comme une sorte de punition à la suite d’une mission officielle ayant mal tourné au Liban, il pourrait néanmoins lui permettre de revenir dans les bonnes grâces du pouvoir, car Hambourg est considérée comme la plaque tournante du financement du terrorisme depuis les attentats de 2001. Bachmann et son équipe d’espions ont d’ailleurs l’œil sur le docteur Faisal Abdullah (Homayoun Ershadi), conférencier et ambassadeur d’œuvres caritatives, soupçonné de détourner une partie des fonds qu’il amasse vers une organisation terroriste islamiste.

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Mais il n’est pas seul à vouloir lui mettre le grappin dessus. Les services de renseignement allemands et la CIA (représentée par Martha Sullivan [Robin Wright]) sont aussi dans la course. Lorsque le jeune réfugié clandestin Issa Karpov (Grigoriy Dobrygin) apparaît dans leurs radars, tous veulent s’en servir. Ayant été torturé par les Russes, arrivant de Turquie avec pour seule possession une lettre d’héritage, ce sans-papier et sans famille mi-russe, mi-tchétchène constitue une menace pour certains et un appât pour d’autres. Avec l’aide d’Annabel, il entrera en contact avec Thomas Brue (Willem Dafoe), banquier à qui il sera demandé d’honorer la promesse de son propre père à celui d’Issa. Une promesse qui se chiffre en millions d’euros. Bachmann obtient 72 heures de la part de ses supérieurs pour coincer Abdullah et éviter à Karpov la déportation vers Moscou.

Comme toujours chez le Carré, les divers éléments entrant en jeu, personnages et événements, s’emboîtent et se révèlent progressivement dans une chorégraphie précise. Ici, pas de pistolets et ni d’explosions. Pas de permis de tuer non plus, du reste. Des dialogues (Andrew Bovell) bien ficelés et une trame sonore efficace font le travail. En l’absence de démon tout puissant à abattre, les antagonismes souvent meurtriers des films à suspense s’incarnent avec plus de modération, entre autres par certains personnages qui, chacun dans sa solitude, cherchent à se racheter ou à rendre le monde un peu plus sûr. Mais l’altruisme a ses limites et Bachmann, qui prétendait ne faire confiance à personne, ne se méfiera pas suffisamment. Le spectateur, pour sa part, n’est pas floué: si ce n’est pas le rôle de sa vie, Philip Seymour Hoffman fait honneur à sa réputation et part la tête haute. Il nous manquera.

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