«1:54», le premier long-métrage de Yan England – Bible urbaine

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«1:54», le premier long-métrage de Yan England

«1:54», le premier long-métrage de Yan England

Un film percutant mais nécessaire

Publié le 13 octobre 2016 par Camille Masbourian

Crédit photo : Les Films Séville

Cinq ans après avoir été sélectionné aux Oscars grâce à son court-métrage Henry, le comédien, animateur et maintenant réalisateur Yan England présente son premier long-métrage, 1:54, un film sur lequel il travaille depuis de longues années. Prenant place dans une polyvalente de Longueuil, 1:54 raconte le calvaire de Tim, un jeune homme intimidé depuis des années, qui décide de se venger de son principal bourreau, Jeff, en l’attaquant là où ça fait mal: en battant le record de course à pied que détient Jeff au 800 mètres.

Tim (Antoine Olivier Pilon), étudiant de cinquième secondaire, tente de passer inaperçu dans cette école où trop souvent, il est ridiculisé par Jeff (Lou-Pascal Tremblay) et sa bande. L’école étant un calvaire, il trouve son seul plaisir dans les expériences de chimie qu’il réalise le soir avec son ami Francis (Robert Naylor), expériences qu’il filme et met en ligne, ce qui lui vaut de nouvelles moqueries. Le jour où ce jeu dangereux aura été poussé trop loin et que Tim perdra ce qu’il avait de plus cher, il décidera de se venger en servant à Jeff sa propre médecine et en tentant de lui enlever ce qu’il a de plus cher: son titre de champion au 800 mètres, qui pourrait lui valoir une place aux nationaux.

Reprenant la course pour la première fois depuis le décès de sa mère survenu quelques années plus tôt, Tim donnera tout ce qu’il a pour réussir à le courir en 1 minute 54 secondes et ainsi battre le record de Jeff. Évidemment, comme les fins sont rarement heureuses pour les enfants et les adolescents victimes d’intimidation, tout ne sera pas rose pour Tim, malgré l’aide et l’appui de son père, son coach et son amie Jen (Sophie Nélisse).

Que ceux qui pensent que l’intimidation n’existe plus (oui, il y a des gens qui croient ça!) ou qu’elle se règle en l’ignorant devraient voir ce film dans lequel elle est montrée sans détour, dans tout ce qu’elle a de plus cruel. Autrefois, on disait que l’intimidation s’arrêtait en dehors de l’école, et que les victimes avaient un répit chaque soir en rentrant chez elles. Aujourd’hui, elle continue sur Facebook, sur Instagram, sur Snapchat et par texto, et les intimidateurs n’hésitent pas à harceler leurs victimes à toute heure du jour et de la nuit. C’est ce que Yan England avait envie de montrer dans ce film difficile mais nécessaire.

Avec le personnage de Tim, un jeune homme somme toute assez normal et équilibré, qui n’a à première vue rien pour faire rire de lui (pas qu’il y ait des bonnes raisons de rire de quelqu’un…), Yan England montre peut-être la pire forme de violence, une violence psychologique gratuite et sans fin. Une des scènes les plus émouvantes du film se trouve sans doute à la fin du film, alors que Tim enregistre une vidéo dans laquelle il demande à ses agresseurs ce qu’il a bien pu leur faire pour mériter un tel traitement. «Je ne sais même pas pourquoi», dit-il en craquant, ce qui nous fait inévitablement monter les larmes aux yeux.

On sait que le talent d’Antoine Olivier Pilon n’est définitivement plus à prouver depuis qu’on l’a vu tout casser dans Mommy (qui lui avait d’ailleurs valu le Jutra du meilleur acteur en 2015), il y a à peine deux ans. Un an plus tôt, il nous avait aussi fortement ébranlés dans le clip de la chanson College Boy, d’Indochine, réalisé par Xavier Dolan. Dans ce clip hyper violent, qui avait d’ailleurs beaucoup fait jaser avant d’être censurés par plusieurs chaînes de télé, Pilon jouait aussi le rôle d’un adolescent victime d’intimidation, qui se faisait tabasser avant d’être monté sur une croix pour être exécuté par ses intimidateurs. 1 :54 n’est peut-être pas aussi éprouvant à regarder, ne serait-ce que parce que la violence est plus psychologique que physique, mais Pilon arrive tout de même à transmettre sa souffrance et surtout son écœurantite à subir les moqueries et l’humiliation. Il a d’ailleurs été récompensé du Valois du meilleur acteur lors du dernier festival du film francophone d’Angoulême, où le film a également reçu le Valois Megelis, un prix remis par un jury étudiant.

Pour le rôle de Jeff, England a eu l’audace d’aller chercher Lou-Pascal Tremblay, connu jusqu’à maintenant pour des rôles de bons gars. On l’a vu dans 30 vies notamment, mais aussi dans le rôle de Tommy, le meilleur ami d’Aurélie Laflamme dans le film du même nom et plus récemment dans celui de Max, dans Jérémie, sur les ondes de Vrak. Difficile de l’imaginer jouant les méchants, lui qui semble être le gars cool par excellence, toujours souriant et avec le mot pour dédramatiser toutes les situations. Disons que dans 1:54, ce n’est pas sa carrure de grand mince qui faisait peur, mais son air baveux et son tempérament hypocrite.

D’ailleurs, Tremblay et Pilon étant de bons amis dans la vie, Yan England leur a interdit de se voir en dehors du plateau pendant le tournage, et demandé de toujours s’appeler par leurs noms de personnages afin de rester dans l’énergie nécessaire au film. Toujours dans un souci de réalisme, le film a été tourné dans une école de Longueuil, en présence des étudiants, qui n’étaient pas nécessairement au courant du projet. La scène de bagarre dans l’entrée a donc dû en étonner quelques-uns!

Le reste de la distribution est partagée entre des acteurs déjà bien établis (David Boutin, Sophie Nélisse, Patrice Godin, Robert Naylor), et d’autres, plus nouvellement venus (Guillaume Gauthier, Anthony Therrien). Ils s’en sortent tous bien, mais aucun ne livre une performance aussi bouleversante que celle d’Antoine Olivier Pilon et Lou-Pascal Tremblay.

Malgré clichés scénaristiques et une certaine prévisibilité, Yan England offre tout de même un bon film qui devrait être vu ne serait-ce que pour la prise de conscience qui en résulte. Il ne voulait pas faire un film moralisateur, et c’est plutôt réussi, mais il faut que le film soit vu par les personnes qu’il concerne le plus – les adolescents – dans un contexte où ils pourront échanger, discuter et surtout réaliser l’impact que peut avoir sur la vie de quelqu’un ce qui ressemblait à une petite blague inoffensive. Le plus grand tour de force du scénario, c’est d’avoir une fin parfaite, bien que tragique, qui ne tombe ni dans le sensationnalisme ni dans la facilité.

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Par Les Films Séville

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