ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Maxime Côté
Ce sont quelques-unes des questions que pose, très intelligemment, cette nouvelle œuvre de Porte Parole, la troupe d’Annabel Soutar – qui signe ici le texte avec ses collaborateurs Alex Ivanovici et Brett Watson, tandis que Chris Abraham signe la mise en scène.
Les auteurs ont rassemblé quatre femmes de différents horizons autour d’une table et ont posé des questions. Ils ont écouté, relancé, confronté. Ce que nous voyons, une fois dans la salle – qui est divisée en deux, comme les deux côtés du débat – est supposément le verbatim resserré des échanges qui ont eu lieu lors de cette rencontre.
La réalité est parfois plus abracadabrante que la fiction.
Il n’y a cependant pas que deux côtés à un débat – il y a autant de nuances qu’il y a de participants. Et des nuances, il y en a ici des tonnes. La discussion a lieu entre Riham, une Égyptienne musulmane pratiquante et voilée (Christina Tannous); Josée, une «pure laine» militante avec un passé dans des groupes d’extrême droite (Amélie Grenier); Isabelle, une habitante de Westmount qui préfère se considérer comme neutre (Pascale Bussières); et finalement Yara (Nora Guerch), une Montréalaise d’origine libanaise de gauche qui se sent trahie par les francophones.
Des performances uniformément étourdissantes de véracité.
Si nous avons tous des frontières relativement différentes à nos zones de confort, soyez assurés que L’assemblée pousse dessus afin de les distendre, tout d’abord tout doucement, puis avec une force exponentielle. Le malaise est si vite arrivé, et nous sommes pris au piège, en tant que spectateurs, lorsque nous nous rangeons d’un côté davantage que d’un autre.
Il est difficile de passer sous silence le portrait pétrifiant de Josée Rivard que fait Amélie Grenier, qui vomit avec conviction toute l’énergie de la célèbre vidéoblogueuse, l’un des personnages les plus controversés que nous avons croisés sur une scène cette saison.
Ne répondant jamais clairement aux questions des modérateurs, ramenant sans cesse le débat à ses propres expériences, interrompant sans relâche les autres participantes, multipliant les contradictions, insistant sur le fait qu’elle ne souhaite que «protéger son patrimoine», c’est un point de vue qui n’est souvent représenté que par la caricature dans la plupart des œuvres théâtrales. Mais ici, c’est une bonne grosse dose de réalité qui s’apparente à une douche froide.
Les Québécois sont tellement allergiques aux confrontations que peu d’entre nous possèdent l’aptitude de débattre de façon posée et respectueuse. Et les convictions proviennent bien souvent d’expériences personnelles, d’impressions davantage que des faits. C’est pourquoi, l’alcool aidant, le débat finit par dégénérer et basculer dans des zones très sombres.
Les idées s’entrechoquent avec fracas, et on passe par toutes les nuances de l’intolérance, notamment lorsqu’il est question d’islamophobie et de féminisme – même entre femmes.
Faire des généralisations est facile lorsqu’on est derrière un clavier, par exemple dans un espace de débat aussi stérile que Facebook, qui ressemble davantage à une chambre d’échos qu’à un endroit où le dialogue est ouvert, mais une fois face à la différence, on se garde une petite gêne.
Et la conclusion de cet exercice de haute voltige idéologique, qui bouscule les convictions et qui excelle à faire réfléchir, même bien des jours après la représentation, est que rien ne vaut les rencontres physiques, un concept qui a fait ses preuves depuis l’agora de la Grèce antique.
L’argument est soutenu, et le public, lui, sort convaincu.
«L’assemblée» au Théâtre ESPACE GO en 19 photos
Par Maxime Côté
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