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Crédit photo : www.spoontheband.com
Spoon est un groupe efficace qui parvient à se renouveler de parution en parution, sans jamais tronquer, altérer sa signature. Quatre ans se sont écoulés depuis la sortie adulée de Transference (2010) et ce temps de pause allongé a permis au leader de la formation, non seulement de laisser fermenter les idées nouvelles, mais de participer à d’autres projets musicaux passionnants.
Nombre de compositions sur They Want My Soul sont, d’ailleurs, bel et bien imprégnées de la récente collaboration entre Britt Daniel et Dan Boeckner (Wolf Parade, Handsome Furs) au sein de Divine Fits (A Thing Called Diving Fits, 2012). On admet la touche électro-rock joliment douloureuse du supergroupe au début de «Knock Knock Knock» notamment.
Sur ce disque tout fraîchement sorti, on s’éprend de l’avancée plus atmosphérique de Spoon. Par opposition aux structures affirmées usuelles, plusieurs trames de fond se bâtissent autour d’un clavier enveloppant et d’une réverbération, qui évoquent assez clairement les années 1980. Des effets sonores singuliers, qui pourraient vite devenir perturbants, mais qui soigneusement intégrés par Spoon, demeurent juste assez subtils, garnissent ces toiles hautement raffinées. «Outlier» offre un exemple convaincant de ces ambiances légères, tout comme «Inside Out».
Aérienne et polie, cette seconde composition affriole immédiatement l’oreille; les ajouts ont la magie d’une harpe lorsqu’ils ne semblent pas tout droit sortis des profondeurs de la galaxie, ce qui ne fait que renforcer la portée de ces paroles illustrées: «Time’s gone inside out /Time’s got distorted / With this intense gravity / I don’t got time for holy rollers / But then they wash my feet / And I won’t be their soldier». Quant à «New York Kiss», elle sonne comme un succès de The Cure. Elle en possède l’électro de fond, de même que toute l’accessibilité et la sensibilité. Spoon n’a-t-il jamais été aussi touchant?
Quelques pièces, telles que «Rent I Pay», «Let Me Be Mine» et «Rainy Taxi» conservent l’énergie et la lourdeur cadencée qu’on associe au groupe américain, contrastant ainsi moins avec les morceaux des prédécesseurs, Transference et Ga Ga Ga Ga Ga (2007). En effet, Spoon alimente toujours quelques titres d’une guitare franche, bien que celle-ci apparaisse plus friable qu’à l’habitude. De même, les percussions restent bien présentes et nerveuses, mais elles tournent avantageusement métalliques au lieu d’être carrément brutes.
«I Just Don’t Understand» fait figure d’exception sur cet album, en transportant un chant plus soul et un piano résolument jazz. On se surprend, plus encore, en découvrant le texte. Si Britt Daniel propose autrement des paroles difficiles à scruter (même si on comprend qu’elles tournent autour de l’amour et de ses complications), ces dernières se révèlent pour le moins directes sur ce morceau: «Well you say that you need me / Like the ocean needs the sand / But the way you mistreat me / I just don’t understand».
En somme, They Want My Soul risque d’être l’un des opus les mieux réussis de l’année. C’est un album complet, intelligemment élaboré, qui envoûte rapidement, tout en allouant des révélations sonores à chaque écoute. L’inclusion à son art d’éléments typiquement électroniques marche bien pour Spoon et l’amène à se surpasser… oui, encore.
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de la rédaction