ThéâtreCritiques de théâtre
Pour souligner les 30 ans de la compagnie UBU, le metteur en scène Denis Marleau, reconnu comme étant le premier Québécois à avoir dirigé une pièce à la Comédie-Française, a renoué avec l’art shakespearien dans L’Histoire du roi Lear, une pièce traduite par son complice de longue date Normand Chaurette. Présentée au Théâtre du Nouveau Monde jusqu’au 7 avril, l’œuvre met en scène Gilles Renaud dans l’un des rôles les plus intenses de sa carrière.
Le roi Lear est une pièce en cinq actes qui a été écrite par William Shakespeare entre 1603 et 1606. Véritable tragédie shakespearienne dans l’esprit de Macbeth, Othello, Édouard III et Henri VIII, celle-ci raconte, dans de grandes tirades dramatiques et frénétiques, la chute de Lear (Gilles Renaud), un héros mythique devenu miséreux après avoir cédé sa couronne et partagé son royaume entre ses filles selon l’amour qu’elles lui témoignaient. Mais là n’est pas l’unique cause de ce déclin; la faute est aux ainées Gonoril (Pascale Montpetit) et Regan (Marie-Hélène Thibault), dont les déclarations et les vantardises exacerbées ont poussé Cordelia (Évelyne Rompré), la cadette, à se retirer loin des bonnes volontés de son père. Lear, aveuglé par la colère et la naïveté, la déshérite au profit de ses deux sœurs. Aveuglé par sa soif de pouvoir et de vengeance, le roi Lear perd le contrôle de ses émotions et ses actes ignominieux pousseront Cordelia à quitter le royaume pour épouser le roi de France. Lear, vieux roi déchu et abandonné de tous, réalisera bientôt, malgré la folie qui s’empare de son âme fragile, que le pouvoir n’est qu’une parure et qu’au fond il n’a toujours été qu’un simple mortel.
Pièce politique, drame familial et satire sociétale, L’Histoire du roi Lear, malgré ses 400 bougies, demeure une œuvre d’actualité, et ce, même si le contexte historique à l’époque de Shakespeare était bien différent du nôtre.
Denis Marleau s’est fort bien démarqué, en 2007, lorsqu’il a offert sa vision singulière du drame shakespearien Othello au Centre national des arts puis à l’Usine C. Dans L’Histoire du roi Lear, ce n’est pourtant pas l’ambition qui a manqué, mais plutôt l’efficacité. Le décor s’apparentait davantage à une salle d’attente d’un hôpital qu’à un majestueux palais; les murs étaient peints de couleurs froides et fades; deux longs bancs étaient simplement déposés de chaque côté de la scène pour permettre aux acteurs de s’assoir de temps à autre; au centre, on retrouvait des modèles réduits représentant le domaine du roi et, à l’arrière, étaient perchés trois écrans géants sur lesquels étaient projetées des images en trois dimensions ordinaires et sans grand intérêt. Représentation moderne et spectaculaire, certes, mais à quoi bon faire évoluer de grands comédiens si la mise en scène n’est pas à la hauteur de leur talent?
Si Gilles Renaud, Pascale Montpetit, David Boutin, Marie-Hélène Thibault et Jean-François Blanchard, pour ne nommer que ceux-ci, ont tous offert une performance très notable, il n’en demeure pas moins que le jeu des acteurs était réellement affadi par le manque d’originalité du décor. Le roi Lear est une grande tragédie, mais il n’en demeure pas moins que le propos est lourd et assommant, et c’est donc pourquoi une mise en scène colorée et variée aurait probablement aidé, au final, à rendre le ton plus distrayant.
Appréciation : **
Crédit photo: Jean-François Gratton
Écrit par: Éric Dumais