ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Yves Renaud
Georges Feydeau n’avait que 19 ans lorsque ses premiers monologues ont été adaptés par des comédiens professionnels pour le théâtre. Fils d’un spécialiste des civilisations modernes et romancier libertin et d’une mère à qui l’on soupçonnait plusieurs infidélités, le jeune Feydeau avait, avouons-le, les éléments nécessaires en main pour inventer des pièces comiques ponctuées d’amour, de haine, de tromperies et de renversements tous plus fous les uns que les autres. Il a écrit, sans aucun plan et dans le désordre le plus total, sa pièce à succès Le Dindon en 1896.
Adapter pour le théâtre un tel enchaînement de péripéties est un réel défi que le metteur en scène Normand Chouinard a pourtant réussi haut la main. Bien entendu, l’efficacité d’un décor simple et représentatif de la Belle Époque a certes grandement aidé à la compréhension des différents tableaux mais, malgré la splendeur des lieux, il n’y avait pas énormément de fantaisies de ce côté-là: l’action se déroulait soit dans un salon mondain aux ornements en or, ou dans une chambre d’hôtel aux murs sombres. Les éléments décoratifs se résumaient pour la plupart à tous ces objets aidant au confort du postérieur, soit quelques fauteuils, des chaises de style Louis XIV, des petits bancs coquets et un grand lit douillet. Mais, le décor, réalisé par les Productions Yves Nicol inc. était d’une splendeur irréprochable.
Il faut l’avouer, sans les efforts herculéens d’une mégaproduction composée de comédiens aussi talentueux que Rémy Girard, Alain Zouvi, Jean-Pierre Chartrand, Véronique Le Flaguais et Carl Béchard, la pièce Le Dindon n’aurait jamais remporté le succès qu’elle s’est mérité hier soir à coup de mots d’esprit osés, de quiproquos salés, de claquements de portes et de bousculades bien méritées. La plupart des comédiens ont en effet offert une performance saisissante, vraie et sincère, sauf à certains égards pour Carl Béchard, qui interprétait le malicieux Rédillon et dont la gestuelle, au début, manquait un peu de synchronisation. Et que dire de Violette Chauveau, qui jouait l’exubérante maîtresse anglaise Maggy Soldignac et dont l’accent, rude et cassé, était parfois très dur à saisir.
Heureusement, la pièce Le Dindon ne se termine pas en queue de poisson comme ce fut le cas en 1782 avec le célèbre roman libertin Les liaisons dangereuses, écrit par l’écrivain et officier militaire Pierre Choderlos de Laclos. Au contraire du crapuleux vicomte de Valmont, le protagoniste Crépin Vatelin, interprété brillamment par Rémy Girard, triomphe de l’infidélité et des duperies en déclarant haut et fort, et ce, malgré ses erreurs du passé, son amour indicible pour sa femme, Lucienne Vatelin, jouée par l’excellente Linda Sorgini. Ainsi, tout est bien qui finit bien, mais n’allez cependant pas croire que l’époque bourgeoise du XIXe siècle était l’unique représentante de l’infidélité. Pensez à DSK, Clinton, Kennedy ou Sarkozy, qui ont su, chacun à leur façon, redéfinir les règles de l’amour au XXIe siècle.
«Le Dindon» de Georges Feydeau
Au Théâtre du Nouveau Monde jusqu’au 11 février 2012
Pour plus d’information, visitez le http://www.tnm.qc.ca
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