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Crédit photo : ATO Records
On dit que de la douleur naissent les plus belles œuvres et, à en croire Will Sheff, leader, fondateur, chanteur et compositeur de son groupe Okkervil River, cela semble être une affirmation qui ne pourrait qu’être plus vraie. Away provient alors du chevet de son grand-père et mentor qu’il a perdu en fin de bataille contre la mort, mais aussi d’une multitude de changements difficiles incluant la perte de plusieurs de ses membres de tournée.
Il ne suffit que des quelques notes de guitare en ouverture de leur mise à mort sur Okkervil RIP pour comprendre que l’angle, cette fois, sera considérablement différent de ce que le groupe a su nous offrir depuis près de deux décennies. C’est donc en usant de leur même savoir-faire en termes de compositions et d’arrangements qu’on prendra ici le temps de nous raconter de nouvelles histoires, mais aussi de nouvelles émotions encore inédites.
Au terme de longues pièces qui donnent le temps de s’imprégner de notre être et de nous coller longuement à la peau, on vise le sept si ce n’est le huit minutes, on succède les ballades et on ne brusque rien. Le nouveau disque agissant comme un habile réconfort qui fonctionne aussi bien pour l’auditeur que pour le créateur qui semble y trouver la plus belle émancipation.
Celle-ci se développe dans un album constamment en mutation. Parlez-en à l’introduction de la magnifique «Call Yourself Renee», douce, délicate et vulnérable, à l’image de tout le reste, toujours en période de fortification de son propre centre. «Out in the night, the world was right against our skin and it was right again. I wanna make it nice again, i wanna make it alright», chante-t-il, comme s’il essayait de se rassurer, mais aussi de se convaincre à la fois.
Et la voix plaintive de Sheff, plus idéale et plus dosée que jamais, se mélange avec tous les autres instruments alors que les cordes ressortent à l’unisson, prédominantes, mais aussi imposantes que rassurantes. Elles bercent, virevoltent, tournoient et guident nos oreilles vers de meilleurs lendemains, la mélancolie exhibée tout au long visant indubitablement l’espoir, ne se montrant jamais défaitiste ou même vaincue.
Difficile de ne pas craquer pour la très romantique «Mary on a Wave», qui reste immédiatement en tête avec son très beau refrain qui déclare avec tendresse: «Borne away on a wave of love, borne away on a wave». Il y a aussi «She Would Look For Me», qui évoque autant Jethro Tull qu’Harmonium, avec sa flûte traversière, ou une pièce comme «Judey on a Street et Frontman in Heaven», qui ramène carrément à l’essence du groupe et son désir de s’activer davantage.
Ce nouvel album est un nouveau pilier pour le groupe. Plus soigné et plus élégant que jamais, il nous arrive comme une révélation, puisque Okkervil River nous donne par moments l’impression de le découvrir pour la première fois et, aussi, parce que c’est sans contredit l’un des meilleurs disques de l’année. C’est d’ailleurs en nous laissant sur la sublime «Days Spent Floating (in the Halfbetween)» qu’on admet sans mal toute la beauté, la justesse, mais aussi la maîtrise dont le groupe fait preuve, prouvant qu’il y a encore moyen d’impressionner même après toutes ces années, et tous ces albums.
Du beau génie dont on parlera et dont on se souviendra encore pour longtemps.
L'avis
de la rédaction