ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Yanick Macdonald
Gospodin est l’antihéros apolitique et fort attachant d’un texte de l’Allemand Philipp Löhle, écrit en 2007, qui se moque à parts égales du capitalisme et des idéalistes qui rejettent le «système». Après que son lama ait été «confisqué» par Greenpeace, il se retrouve sans source de revenus, frustré de la situation, et sa relation avec Annette, sa copine, se détériore. Elle ne comprend pas ses aspirations, le presse de s’inscrire au chômage, et finira par s’en aller lâchement, un après-midi, en emportant avec elle tous ses meubles. Gospodin sombrera dans l’autarcie, se départira de toutes ses possessions physiques, et écrira un dogme sur son mur de cuisine, dormant par terre sur de la paille, et ne dépendant de personne.
Ce texte très fort, magistralement traduit et adapté par Anissa Lahyane et Jean-Philippe Lehoux, s’intéresse à la cupidité, le rapport à l’argent, et la difficulté de vivre avec des idéaux dans une société aussi obnubilée que la nôtre par la consommation. La mise en scène prête à Gospodin deux narrateurs, Bruno Marcil et Marie-Ève Pelletier, qui interprètent aussi respectivement les multiples personnages masculins et féminins qui gravitent autour de notre antihéros. Leur commentaire sur les péripéties de Gospodin est souvent ponctué des délicieuses interventions de leur sujet, et Steve Laplante est très rigoureux dans son interprétation, habitant entièrement le personnage, devenant devant nous cet inoffensif hurluberlu à qui on a envie de conseiller de changer d’entourage.
Délicieuse est donc l’ironie voulant qu’il se retrouve, par de sinueux détours, propriétaire temporaire d’une importante somme d’argent, et que le regard que ses amis portent sur lui change drastiquement. Tout le monde veut sa part du gâteau. Tous les raisonnements et justifications semblent acceptables.
Dénommé Gospodin est une pièce savoureuse, avec un rythme admirable et sans temps morts, un texte fort qui fait réfléchir, et une bande sonore (signée LE FUTUR) parfaitement maîtrisée, qui ponctue habilement les moments forts, avec un percussionniste – vêtu comme un viking – qui interagit directement sur scène. Du théâtre pertinent, contemporain et réjouissant qu’on n’hésite pas à vivement vous recommander.
La pièce est présentée jusqu’au 19 février 2016 au Théâtre de Quat’Sous (100, des Pins Est).
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de la rédaction