«Love Letters» de Metronomy – Bible urbaine

MusiqueCritiques d'albums

«Love Letters» de Metronomy

«Love Letters» de Metronomy

Un puzzle de morceaux texturés aux formes plus inspirées les unes que les autres

Publié le 2 avril 2014 par Emmy Côté

Crédit photo : Because Music

Nominé pour un prix Mercury pour l’album English Riviera en 2011, la marche était bien haute pour le band de pop érudite et chaleureuse qui sortait ce mois-ci un nouvel opus, Love Letters. Toutefois, Metronomy, qui appartient désormais à l’élite indie rock britannique, a rencontré les attentes. Le quatuor londonien offre un beau casse-tête, dont les pièces ont été inspirées par autant de classiques de psych rock, funk et soul des années 1960 et 1970 que d’électro pop contemporaine. Les morceaux s’assemblent sans forcer. Sauf exceptions…

Jusqu’à présent, la pop électro, extrêmement polie et cirée de Metronomy, s’ancrait solidement dans la modernité. Mais, près de trois ans se sont écoulés depuis l’album qui a rencontré les palmarès, English Riviera (2011), et Joe Mount a eu le temps de chercher de nouvelles influences. Intrigué par le terreau fertile de créativité des décennies 1960 et 1970, celui-ci s’est mis à écouter les vieux albums de The Zombies, The Byrds, Family Sly and the Stone, etc. Ainsi, Love Letters se pose comme le reflet de sa récente démarche musicale et un fier hommage aux ères psych-rock et soul. En même temps, Metronomy évite le piège tendu d’un simple calque, le synthé demeurant lui souvent très actuel. Nul doute que l’œuvre est contemporaine malgré l’abondance des références.

Metronomy conserve bel et bien ce son synthétique qui lui est propre. Par exemple, même si «Monstrous» présente des airs baroques en fond de trame et emprunte un je-ne-sais-quoi au vieux succès «California Dreaming» de The Mamas and the Papas, on ne peut s’empêcher de faire des rapprochements avec l’album précédent, de comparer le tempo à «The Look» et les sonorités pleines de gravité à «She Wants». Quant à «Reservoir», elle ravit l’esprit plein d’entrain de «Corinne». Avec ses airs électroniques en boucle entraînants et la voix de Mount qui rappelle beaucoup l’album Hymns for a Dark Horse (2007) de Bowerbirds, ce titre fait partie des préférences sur ce disque.

Les chansons de Love Letters s’écoutent sans effort la plus grande partie du temps. On s’impressionne des pirouettes instrumentales et des acrobaties vocales féminine et masculine. Notamment, on se plaît à découvrir «The Upsetter» et sa guitare solo douloureuse qui entame l’album. Lorsque le chant vulnérable de Mount accompagne l’instrument à corde, la combinaison tranquille est des plus enviables. Puis arrivent finalement les notes chaudes, aériennes et métalliques de la guitare électrique comme pour donner plus de tonus encore. Celle-ci ne manque alors pas d’évoquer tous les Santana et The Eagles des années 1970.

Par contre, précisons que la palme de la meilleure entrée en la matière revient aux cuivres fragiles et transcendants de la chanson titre «Love Letters». Ensuite, démarre la fiesta funk et soul qui nous fait remonter le cours du temps de 30 ou 40 ans en arrière. Qu’on soit fan ou non de ce genre, on ne résiste pas longtemps à la danse hyper contagieuse de ce morceau. «Month of Sundays», plus près de l’acid rock et de bands comme Television (Marquee Moon, 1977), contribue également au bon souvenir qu’on garde de Love Letters, tout comme «The Most Immaculate Haircut» qui vole (gentiment) les sonorités de pop baroque exploitées par Love sur l’album Forever Changes (1967).

Le mélange des genres est riche et fabuleux sur ce disque. Plus encore, on conserve l’idée qu’on se faisait déjà de Metronomy, celle que le groupe a un besoin intarissable de se renouveler. «Boy Racers», un morceau purement électro et instrumental, est un bon exemple. Metronomy ose sortir de sa zone de confort et regarde droit vers le futur. On apprécie enfin «Never Wanted», aux airs minimalistes, qui aurait fait bonne figure sur le dernier album de Grizzly Bear. Rarement a-t-on vu la formation aussi discrète.

Love Letters se révèle comme un puzzle de dix morceaux remplis d’excellentes idées. Il n’empêche qu’à l’occasion Metronomy essaie trop et c’est d’ailleurs le principal bémol en ce qui concerne cet album. Sur «I’m Aquarius», les segments chantés de «shoo doop doop ha» en boucle deviennent tôt lassants. Les débuts de la chanson «Call Me» apparaissent assez problématiques également, car on pense sérieusement à arrêter sa progression. Trop, c’est comme pas assez, dit-on. Le groupe semble l’avoir oublié, un brin de modestie ne fait pas de mal.

Mais, on lui pardonnera, car les qualités sont de loin plus importantes que les défauts sur ce quatrième album studio. Nonobstant les maillons faibles de Love Letters, la réputation qu’a acquise Metronomy au cours des dernières années paraît amplement méritée. Le band anglais, reconnu pour sa grande créativité, s’est posé un défi monumental et il a su le relever presque sans heurt, en ajoutant une couleur plus brouillée et grincheuse à son art. Il a été capable de réconcilier la modernité avec l’histoire. Pour cela d’ailleurs, la découverte vaut son pesant d’or.

En concert au Métropolis de Montréal le 18 mai prochain. Pour plus d’information consulter le labibleurbaine.com/metronomy-au-metropolis-de-montreal.

 

L'avis


de la rédaction

Vos commentaires

Revenir au début