CinémaEntrevues
Crédit photo : Jim Chartrand
Après avoir abordé le mélodrame avec Il y a longtemps que je t’aime et la comédie italienne dans le touchant drame comique Tous les soleils, voilà que Philippe Claudel continue son exploration des genres avec Avant l’hiver. Cette fois, on y raconte le récit intriguant d’un médecin qui voit sa vie virer à l’envers à la suite d’éléments perturbateurs inattendus, le plongeant drastiquement entre la mince frontière du drame et du suspense.
Mêlant le sordide à la banalité du quotidien, le cinéaste raconte la genèse de son troisième long-métrage: «C’est parti d’une question que je me posais sur la vie. Ce genre de questions qu’on peut tous se poser, qui sont à la fois simples et extrêmement angoissantes. Est-ce que la vie que je mène est celle que j’avais rêvé d’avoir quand j’avais vingt ans? Évidemment, cette question est de plus en plus angoissante à mesure que la vie passe. Par exemple, si on se la pose à 25 ans, on peut toujours changer, mais si on se la pose à 63 ans ou à 60 ans comme le personnage de mon film, cela peut avoir des répercussions plus importantes. J’avais donc le désir de pousser un personnage qui ne s’est jamais posé de questions à faire l’examen de son existence et d’ainsi le voir se fragiliser peu à peu.»
Avec Daniel Auteuil en tête, le récit a pris forme en mélangeant d’autres éléments qui fascinaient le cinéaste. «J’étais intéressé de travailler sur l’apparence du bonheur, sur l’image de nous même qu’on envoie aux autres. Je voulais montrer des gens apparemment très heureux, comme une sorte de carte postale du bonheur, pour gratter peu à peu la surface. Et du coup, l’aspect thriller du troisième personnage, celui de Lou, m’a permis de rentrer dans tout cela et de montrer que cette belle mécanique se détraque et que les apparences tombent aussitôt qu’un élément incongru s’y mêle.»
Sans prétendre avoir voulu déconstruire le polar, Philippe Claudel ne nie pas son désir de jouer avec les genres. S’il continue de nourrir le fantasme de faire un grand film d’horreur saignant, sans effets spéciaux avec des vieux trucages un peu maladroits, il exprime sans mal son intérêt à se réinventer de films en films. «J’avais envie de faire une sorte de tentative hybride. De voir comment on pouvait entremêler deux genres, soit ici le drame intimiste et le film à suspense, et d’essayer d’être sur une frontière de ceux-ci. […] Il y avait ici une volonté de ma part de ne pas être dans le mélodrame comme dans le premier film que j’ai fait. Et justement, dans Avant l’hiver, il n’y a jamais vraiment d’émotions qui sortent. Il n’y a ni climax émotionnel, ni de catharsis. Au contraire, on y trouve des personnages qui gardent tout en eux sans jamais exploser, empêchant également le spectateur d’exploser émotionnellement.»
Vous pourrez découvrir «Avant l’hiver», le plus récent film du cinéaste fascinant Philippe Claudel, dès demain. Surveillez notre critique!