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Crédit photo : Audiogram
Le premier album de David Giguère n’est pas passé inaperçu. Ce dernier était d’une rare intensité, des mélodies pop françaises singulières, ainsi que des textes rythmés à souhait. D’ailleurs, on a même pu le voir chanter sa pièce «L’Atelier» dans le métro à la fin du film Starbuck de Ken Scott. Son chant y était parfois un peu maniéré (sur «C’est pas elle» et «Madame M»), mais généralement agréable et singulier. L’auteur-compositeur-interprète s’éparpillait un peu dans les styles en passant de la ballade mélancolique au piano à une rythmique soul avec cuivres et violons.
À l’intérieur de la pochette de ce second disque, Giguère a écrit une petite phrase en guise de préambule: «Ceci est la représentation de deux personnes qui n’ont jamais réussi à exister (ensemble).» Cette introduction résume le feeling entier de l’album. Sa rupture amoureuse a été difficile et ce fut laborieux pour lui de l’exprimer en mots. Il n’y a aucune métaphore dans ses textes, tout est réel. L’auteur-compositeur-interprète précise qu’il y a eu un véritable travail de réécriture qui lui a permis d’assumer ses textes et ainsi d’avoir envie de les partager. Certaines pièces ont été rédigées, chiffonnées puis réécrites à de nombreuses reprises. D’ailleurs, son ami et partenaire de scène Emmanuel Schwartz a travaillé comme conseiller dramaturgique sur Casablanca.
Le comédien n’a pas écrit pendant deux ans et demi et, l’été dernier, toutes les œuvres sont sorties d’un trait. Casablanca réunit une équipe pour laquelle le chanteur avait eu un coup de cœur: Joseph Marchand (Forêt) à la guitare, Christophe Lamarche Ledoux (Man Machine, Jimmy Hunt) aux claviers ainsi que Jonathan Dauphinais, secondé par Jean-Phi Goncalves, à la réalisation. Pour créer les 11 chansons de son nouvel album, David Giguère s’est pratiquement enfermé douze jours avec ses musiciens. Il souhaitait que le groupe en entier décide avec lui de ce qui était intéressant.
Sur Hisser haut, on entendait des voix féminines sur presque tous les titres. Même si les choristes Camille Poliquin et Ariane Moffatt sont encore de la partie, elles se font plus discrètes sur le deuxième album. Aussi, les instrumentations sont réduites, mais laissent place à de belles découvertes de programmation et d’échantillonnage. Ceux qui apprécient le groupe britannique The XX pourront y retrouver des ressemblances dans l’univers sonore.
L’artiste est à son apogée sur les pièces «La Noyade (Mami Wata)», pour l’harmonie des voix entre la sienne plutôt grave et celle de la choriste qui est douce, la belle «Aimer aimer», pour sa mélodie hypnotique ainsi que l’intense, et le single «La Pornographie», pour sa touchante poésie et ses touches électro. Cependant, sur la composition «L’échec de l’Odéon», les claviers futuristes peuvent être stridents et agressants pour l’auditeur.
Sur son premier album, le musicien avait déjà abordé le décès de sa mère, qui s’est suicidée quand il avait quatre ans. Sur la touchante pièce «Albert Prévost», il revient sur le sujet et utilise la voix de cette dernière à la fin de la chanson. À l’époque, lorsque ses parents étaient séparés par un océan, ils s’envoyaient des messages enregistrés sur des cassettes. C’est à dix-huit ans que David Giguère a eu accès à ses enregistrements qui lui ont permis de découvrir sa mère.
Moins diffus et plus mature que son premier opus, Casablanca se révèle tout de même une écoute ardue où les propos sont poignants. Un album personnel qui s’apprécie après quelques écoutes et où l’on s’attarde sur la beauté de la poésie ainsi que les arrangements épurés qui parvient à sonner avec très peu d’éléments.
Le lancement-spectacle de Casablanca aura lieu ce soir au Club Soda dès 21h (ouverture des portes: 20h). Pour plus d’information, visitez le www.clubsoda.ca/david-giguere.
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