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Crédit photo : Rhymes of an Hour
Among My Swan, le dernier album de Mazzy Star, remontait à 1996. Le duo formé par Hope Sandoval et David Roback avait fait ses débuts avec She Hangs Brightly, six ans plus tôt. Entre-temps, il y avait eu l’hypnotique Tonight That I Might See (1993), sur lequel figurait «Fade Into You», sans conteste l’un des titres les plus sincères et désarmants des années 1990. Même si vingt ans nous séparent aujourd’hui de ce chef-d’œuvre du rock lo-fi, la musique de Mazzy Star sur Seasons Of Your Day n’a rien perdu de sa délicatesse et de sa poésie, même s’il faut peut-être plusieurs écoutes pour en apprécier toute sa substance.
Comme auparavant, la chanteuse occupe la place qu’elle mérite. Hope Sandoval a toujours porté Mazzy Star avec sa voix empreinte de féminité et chargée d’émotion. David Roback et les autres musiciens (qui restent souvent confinés dans l’ombre pour une raison obscure) ne font pas erreur en lui subordonnant les instruments. Les arrangements musicaux demeurent aussi vaporeux et introspectifs qu’ils l’étaient, mais ils perdent de leurs accents psychédéliques inspirés de tous les Velvet Underground et The Doors des années 1960. Il en est de même pour les variations shoegaze qui faisaient écho à celles de My Bloody Valentine et autres pairs des années 1980-1990; elles se sont estompées pour ne pas dire éteintes.
Mazzy Star semble cette fois avoir surtout puisé ses influences dans la musique country des années 1970 (Gram Parsons, Emmylou Harris). À cet égard, la récente offrande de dix chansons résonne de maturité et de vécu, un sentiment qu’on peut sans doute largement attribuer aux jeux de slide guitar et aux effets de la steel pedal guitar. Cependant, le chant plus léger de Sandoval compte pour beaucoup dans la balance.
Véritable oasis de paix musicale, «In the Kingdom» ouvre l’entité de belle façon. Sandoval paraît posée, sereine et en accord avec elle-même. Elle possède ce petit je-ne-sais-quoi dans la voix qui, immédiatement, jette un baume sur toutes nos morsures affligeantes. L’orgue rappelle même quelque souvenir, un arrimage de notes accrocheuses déjà entendu, comme «No Woman, No Cry». Puis «California» renoue avec Tonight That I Might See. Le tempérament mélancolique et tourmenté du morceau ramène bientôt à la mémoire «Unreflected» et «Blue Light». La nostalgie atteint jusque le texte: «I think I’m going back / I think I’ll go back / I think I hear a whisper, my old best friend». Par moments, on croirait même entendre un titre de Here’s Where The Story Ends (1990) du groupe écossais The Sundays. C’est dire ici que Mazzy Star ne rompt pas les ponts complètement avec les années 1990.
«I’ve Gotta Stop» se veut le premier concentré de folk sur l’album. Les instruments sont intenses et Sandoval se montre sensible. Même si sa voix est délicate, Hope dégage une force de caractère et d’esprit qui séduit plus que tout. Vient après «Commun Burn», dont l’essence triste et émouvante est issue de la guitare et de l’harmonica, s’insinuant par-ci et par-là sur le chemin serpentant de la mélodie. Notons que si ce n’était de l’interprétation convaincante de Sandoval, cette pièce aurait très bien pu appartenir à Neil Young.
«Seasons Of Your Day» n’a rien d’une chanson titre de prime abord, trop discrète pense-t-on. À la deuxième ou troisième écoute, on remarque enfin les paroles poignantes et l’humilité que révèlent le morceau: «Won’t you let me come inside? / I’ve released all of my pride / I know you’re alone because I’ve been there / I was storming all of the day outside your door / It’s a misery that the rivers will never stream me back before». À l’affût des subtilités, on se laisse transporter par le violon qui rejoint finalement la guitare acoustique.
Le secret de Mazzy Star en 2013 aura donc été la finesse. En effet, la plupart des compositions ont une apparence qu’on jugerait minimaliste. Les pistes se suivent et se ressemblent, mais à bien écouter elles diffèrent intrinsèquement. Tout est réalisé avec grâce et adresse, d’une manière qui ne se remarque pas tellement si l’oreille n’est pas pleinement investie. Pourtant, les instruments varient d’une pièce à l’autre.
Par ailleurs, le tournant folk du groupe se fait sentir plus fortement à compter de la deuxième moitié du LP, sur les pièces «Does Somebody Has Your Baby?», «Lay Myself Down» et «Spoon». On se surprend alors à rêver de paysages texans, à ses routes et à ses champs infinis. On ressent un désir d’indépendance et d’affranchissement. L’album se termine en force avec «Flying Low», dont les accords de blues sonnent quelque peu comme le riff de «Bad to the Bone» de George Thorogood. Faut-il ajouter que la chanson a vraiment de la carrure?
Finalement, s’il n’y a pas de titre aussi touchant que «Fade Into You» ou même «Five String Serenade», le résultat est loin d’être décevant. Au contraire, Mazzy Star a réussi à débroussailler de nouveaux sentiers sans trop s’éloigner de ceux qui lui avaient porté fruit autrefois. La pochette d’ailleurs évoque un mix des deux opus précédents: le chat noir au centre rappelle fortement le cygne de la couverture de Among My Swan et l’encadré de couleur violet, le fond de Tonight That I Might See…! Enfin, si on est moindrement sensible à ce genre musical, le songe du road trip se transformera peut-être en une petite ride sur la route, pas nécessairement pour filer jusque dans le sud des États-Unis, mais au moins pour parcourir un tronçon de la 20 avec pour fidèle compagnon le nouveau disque de Mazzy Star. Pourquoi pas?
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de la rédaction