«You’re next» d’Adam Wingard – Bible urbaine

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«You’re next» d’Adam Wingard

«You’re next» d’Adam Wingard

La qualité est loin d'être au rendez-vous

Publié le 6 septembre 2013 par Manuel Yvernault

Crédit photo : www.dearcastandcrew.com

Deux ans, il aura fallu deux petites années, une éternité si on considère le nombre de sorties cinématographiques hebdomadaires, avant de voir, hors festival, You’re next (Tu es le prochain en version française) d’Adam Wingard dans les salles obscures. Deux années où le buzz s’est fait de festival en festival (Festival de Gérardmer, Festival international du film de Toronto). Pourquoi deux ans? Sans doute parce que la qualité est loin d’être au rendez-vous.

Évidemment, dans le genre horrifique, nous avons presque fait le tour de tous les possibles. Difficile de se renouveler sans adopter ou flirter avec un des sous-genres déjà usités. Alors quand, sur un pitch classique mais efficace, la famille Davison se réunit dans sa maison de campagne pour fêter l’anniversaire de mariage du patriarche et de Madame, on peut s’attendre à une hécatombe de corps. Et quand, dans cette famille nombreuse, certains des «éléments rapportés» se rebellent, on s’attend clairement à un classique mélange entre le slasher et l’invasion home. C’était sans compter sur le manque de sérieux de son réalisateur, qui n’avait de toute façon jusqu’ici jamais vraiment réussi ses effets dans le genre (segments dans V/H/S 1 et 2 et le très brouillon A Horrible Way to Die).

Ayant probablement été à la bonne école «autodidacte» en visionnant des tonnes de références sur le genre, Adam Wingard propose une solide scène d’introduction classique mais efficace, suivie comme il se doit de l’exposition de l’ensemble des personnages. Jusque-là, il y a peu de choses à redire. De l’efficacité, peu de séquences en trop et on rentre directement dans l’ambiance que le film se doit d’imposer. C’est plus dans la propension du réalisateur de proposer une unité cohérente que le film blesse. Il a d’abord la maladresse d’éliminer de son récit les personnages sans aucun sens de la narration. Il détruit ainsi toute montée en puissance puisque rien ne peut être installé et le spectateur n’aura jamais l’opportunité de se projeter, même inconsciemment, à ne serait-ce un seul des personnages. Difficile par la suite de faire tourner son film à plein régime.

Ce souci de narration est également porté sur l’ensemble de la scénographie du film. De la même manière, afin de donner un peu d’originalité à son long métrage, Adam Wingard prend soin de faire faire un peu tout et n’importe quoi à ses acteurs, il n’y a donc aucune crédibilité dans l’action et les réactions de ses personnages. Afin de rendre l’ensemble fun, il semblerait que le réalisateur se permette un peu toutes les solutions possibles pour faire évoluer puis disparaître les membres de la famille un par un. Si cela s’arrêtait ici on serait peut-être indulgent, or, la mise en scène surligne cette maladresse par des effets de style maladroits et clichés (ralentis, cadres ultra serrés pour un montage trop cut, ce qui rend certaines scènes illisibles). En somme, de la conjugaison de grosses carences en résulte une réalisation très passable. Hélas, le scénario ne rehausse pas vraiment le film, entre dialogues risibles et histoire brinquebalante, on hésite à voir le second degré de l’ensemble devant certaines réparties.

Il serait cependant malhonnête de ne pas mettre en avant l’énergie et la sincérité probable de son auteur. Certaines séquences le prouvent par le dynamisme qu’elles tentent d’insuffler au film; mais retombent la plupart du temps comme un soufflé. À peine sauvées par certains dialogues qui, dans le lot, font tout de même leurs effets. Mais ils sont rares. Ajoutons à tout cela une finale (et des séquences entières) qu’on sent venir une demi-heure à l’avance et il ne reste pas grand-chose de ce fameux slasher, tendance du moment. La faute probablement à un réalisateur qui ne maîtrise pas encore complètement sa «patte» cinématographique et qui hésite entre le premier et second degré dans sa filmographie naissante. Entre les lames du ciseau en général, on tranche forcément à vide.

Malgré son énergie débordante, son inventivité de quelques instants, son rythme soutenu et la relative bonne impression que laissent certains comédiens, You’re next n’est en rien le film d’horreur du moment. Plutôt un film surcoté, pas déplaisant pour les moins exigeants, mais difficilement regardable par son manque de rigueur et totalement maladroit par un amateurisme assez gênant, surtout dans sa mise en scène. À défaut du prochain film d’Adam Wingard, un autre réalisateur sera effectivement le suivant sur lequel on posera notre attention.

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