LittératureRomans québécois
Crédit photo : VLB éditeur
Ce livre est donc le résultat de cette correspondance qui s’étale de 2004 à 2009. On y suit les questionnements de la romancière, qui fait preuve d’une belle ouverture d’esprit face à un métier, mais aussi un contexte politique et militaire qui au départ la rebutent. On y suit parallèlement les réponses très humaines et franches d’un militaire en mission de garde du corps d’un général canadien à Kaboul. Elle cherche à comprendre le pays, la guerre. Il lui parle de ce qu’est une mission, du choc des cultures, de ses réflexions sur ce pays, sur son rôle dans ce pays. Il souligne même la qualité de la cuisine des cuisiniers canadiens sur place! Il cherche à lui faire comprendre sa réalité, sans artifices. «Ce n’est pas une question de vouloir faire la guerre, car le soldat canadien est pacifique, mais seulement d’avoir la chance de servir son pays ainsi que la démocratie.»
À travers cette correspondance très humaine, jamais péjorative ou arrogante, basée sur une volonté de compréhension mutuelle et d’échanges entre deux inconnus, nous les voyons évoluer au gré des courriels (qui passent rapidement du vouvoiement au tutoiement très amical). Il revient d’Afghanistan, heureux de retrouver sa famille, mais réalisant graduellement les effets de cette mission: le fameux choc post-traumatique. Elle vit une séparation difficile, se questionne et entretient cette correspondance de façon à comprendre non seulement la vie d’un soldat en Afghanistan, mais aussi sa vie au retour.
«J’ai croisé, dans un snack de Trois-Rivières, quatre soldats qui revenaient de Kaboul. Ils avaient l’air éreintés et je me suis demandé quel bilan vous faisiez de cette mission. Es-tu plus confiant pour l’avenir des Afghans? Et surtout: voudras-tu retourner dans l’enfer de sable?» Et non seulement il lui répond, mais lui montre aussi la réalité parfois moins rose des bases militaires. Notamment lorsqu’on lui annonce qu’il aura à repartir: «Ce supérieur m’a dit: Vous étiez volontaire pour Kaboul, et vous avez eu une bonne prime. Vous étiez au courant que vous pourriez repartir vite! Préparez-vous à être absent pour un bout! Faites brailler votre femme tout de suite!»
Patrick Kègle est retourné en mission en 2009 et non plus comme garde du corps à Kaboul, mais bien en mission de combat à Kandahar, où il doit patrouiller pour protéger la population locale. Le ton est différent, plus urgent. Il risque des attaques talibanes, s’expose aux tirs de roquettes, aide à la reconstruction de routes, d’écoles et de cliniques (parmi les bienfaits apportés par l’armée) et utilise les fameux drones au cœur de l’actualité des dernières semaines. Malgré ce portrait plus sombre et dangereux, les échanges avec Roxanne, en voyage dans les Grenadines, lui permettent de garder un contact humain réconfortant. «Ton courriel m’a fait du bien. J’ai fermé les yeux et je me suis mis à rêver d’eau turquoise et de brise saline… Par contre, je ne supporterais pas la houle aussi bien que toi. Je suis un gars de terrain!»
Le résultat de ces échanges est un livre qui ouvre une fenêtre sur la vie de nos soldats en mission, qui illustre des pans de la vie militaire et des contrecoups de la guerre. Il offre par ailleurs quelques photos des deux correspondants, de même que des annexes. C’est aussi une forme d’éloge de la correspondance, qui peut exister en cette ère de courriers électroniques et permettre à deux êtres de se connaître par l’écriture, très simple et amicale. Un livre accessible, qui se lit facilement et qui éveille notre curiosité, notre compréhension et notre envie d’écrire à quelqu’un, nous aussi.
L'avis
de la rédaction