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Crédit photo : Charline Provost
«Ce spectacle, c’est une journée avec les esclaves. Ce n’est pas toujours drôle, ce n’est pas toujours empathique, mais il y a du cœur en esti!» a lancé d’emblée la Québécoise d’adoption mais Française d’origine Betty Bonifassi, d’une voix fière. Fière d’être là, mais aussi que tant de gens se soient rassemblés à L’Astral pour découvrir ce projet qui lui tient effectivement à cœur. La moitié féminine du regretté duo Beast défendait en effet son premier album solo, après plusieurs années de métier dans le milieu de la musique, dont des passages remarqués avec DJ Champion et sur la bande sonore du film Les triplettes de Belleville.
Cet opus, tout simplement Betty Bonifassi, est incontestablement particulier, puisqu’il s’intéresse aux chants rassembleurs, d’espoir, de désespoir ou de motivation que chantaient les esclaves noirs dans les années 1920. Unique et très touchant, l’album se révèle d’autant plus éloquent sur scène, même si on aurait apprécié un peu plus d’explications au sujet du projet, des textes et de leur origine, ou encore sur les motivations de l’artiste à plonger dans un tel registre. Outre les images d’archives – et aussi très artistiques – projetées tout au long du spectacle et ce mot de bienvenue de la part de Bonifassi, aucune allusion n’a été faite. Tant pis, il faut croire que la chanteuse considère que les chansons parlent assez d’elles-mêmes.
En ouvrant le bal, comme sur le disque, avec une «Prettiest train» a capella sur fond de hands claps et de tapements de pieds sur le sol, l’interprète a déjà réussi à aller chercher quelques spectateurs qui, timidement, se sont mis à taper des mains aussi, en suivant les musiciens. Mais même si elle démontrait une énergie débordante et qu’elle sautait sur scène en chantant «No more my lawrd», l’artiste ne semblait pas avoir tout le monde tout à fait dans sa poche.
Tellement investie dans ses chansons qu’elle semblait presque en transe lors de la finale de «No Coffee», Bonifassi est épatante. Elle est là, toute entière sur scène, et semble y être aussi à l’aise que dans son salon, alors que sa voix, elle, semble jaillir si puissamment aussi aisément que si elle discutait normalement. D’une simplicité aussi désarmante, elle s’est également révélée très comique, tantôt répondant aux cris d’un spectateur qui lui envoie trop d’amour, tantôt envoyant des bisous à la foule en guise de reconnaissance pour les applaudissements.
Mais ce qui est le plus frappant, c’est certainement son énergie et sa volonté à faire danser la foule. Semblant déçue que celle-ci ne réagisse pas plus qu’il ne le faut – et avec raison, puisque ses compositions ont effectivement de quoi donner envie de bouger! –, l’artiste a redoublé d’ardeur lors d’interprétations dynamiques comme «Whoa Buck» ou encore lors d’une nouvelle chanson, plus près du style de Beast, durant laquelle elle a dû chanter rapidement, presque en rappant, supportée par une belle présence de la batterie de Benjamin Vigneault.
C’est toutefois lors de «Let Your Hammer Ring» – durant laquelle l’image d’une silhouette piochant vivement était projetée – que Bonifassi aura finalement réussi à faire s’agiter la foule jusqu’ici plutôt statique, grâce à son rythme et son dynamisme. Et pour s’assurer de faire bouger les spectateurs comme il se doit lors de «Grizzly Bear», elle est carrément descendue parmi les gens, les invitant à sauter, le poing en l’air, créant un très beau moment de mouvement à l’unisson sur le parterre. Malgré quelques réticences au cours de la soirée, la foule a finalement cédé et s’est laissé aller sur la musique entraînante et les rythmes préprogrammés gérés par le bassiste Jean-François Lemieux.
Mais Betty Bonifassi est aussi une interprète très sensible. C’est notamment lors de la magnifique «Working Down» quelle a offert une interprétation très sentie et toute en douceur, tout comme «Berta Berta» qui a aussi ravi. Elle a aussi choisi de terminer la soirée, en rappel, en créant un autre moment de douce communion avec son public maintenant conquis, en reprenant pour une deuxième fois, mais avec plus d’aplomb car mieux réchauffée (et la foule aussi!), «No More My Lawrd». Basculant en finale d’une ambiance déchaînée à une atmosphère plus posée, la chanteuse a invité la foule à balancer ses bras doucement dans les airs, en suivant sa voix apaisante, comme pour lui souhaiter une belle nuit (blanche).
Il n’y a pas de doute, les sceptiques ont été confondus, samedi soir à L’Astral, parce que l’énergie de Betty Bonifassi s’est assurément transmise aux spectateurs, qui en ont même redemandé. Malgré le peu de matériel – expliquant la reprise en rappel d’une chanson jouée à peine une heure plus tôt –, la chanteuse a saisi la foule, grâce à sa voix unique, ses rythmes endiablés (complétés par les claviers et synthétiseurs dynamiques de Martin Lizotte), ses textes pertinents et son énergie débordante.
La tournée du spectacle «Chants d’esclaves, chants d’espoir» issue de l’album Betty Bonifassi, passera par Val-Morin, Bécancourt, Trois-Rivières, Sherbrooke, Carleton, Rimouski, Sept-Îles et Québec. Toutes les informations sont sur le site web officiel de Betty Bonifassi.
L'avis
de la rédaction
Grille des chansons
1. Prettiest Train
2. No More My Lawrd
3. No Coffee
4. Whoa Buck
5. Black Betty
6. Early in the Morning
7. Working Down
8. Nouvelle chanson
9. Berta Berta
10. Let Your Hammer Ring
11. How Does it Feel
12. Grizzly Bear
13. Go Down Old Hannah
Rappel
14. No More My Lawrd