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Crédit photo : Métropole Films
Dans un village ouvrier bordé par la dure et houleuse mer de Barents, Kolya (Aleksei Serebryakov) vit avec sa femme, Lilya (Elena Lyadova), et son fils unique, Roma, issu d’un précédent mariage. Injustement menacé d’expropriation par le maire (Roman Vadyanov), qui prétend requérir sa propriété afin d’y ériger un centre de télécommunications, Kolya fait appel à son vieil ami de l’armée, Dmitri (Vladimir Vdovichenkov), devenu un redoutable avocat. Dressant un portrait de la triste réalité des opprimés sous la forme de cette lutte grotesque entre un simple quidam et une autorité corrompue et toute-puissante, Leviathan est à la fois une réflexion troublante sur la nature humaine et une amère critique sociopolitique.
Bien qu’il soit facile de se questionner sur certains clichés comme la consommation extravagante de vodka par ses personnages, qui semblent s’y noyer sans relâche, Leviathan est une œuvre suffisamment porteuse et ambitieuse pour que l’on ne s’attarde pas à ce genre de sujet. Le titre du film, faisant référence à une créature légendaire créée par Satan pour semer le chaos sur Terre, est particulièrement révélateur. D’ailleurs, Zvyagintsev ne se cache pas de ce grand symbolisme biblique et l’utilise avec éloquence et lucidité, citant le Livre de Job à quelques reprises dans son scénario. À défaut d’une créature mythique, il y décrit la monstruosité universelle des hommes et de leurs institutions. D’un pessimiste extrême, il n’en demeure pas moins que ce film fascine par la beauté de ses tableaux, de ses ambiances et de la subtile trame sonore de Philip Glass.
Aussi sévère et glacial que l’environnement qu’il dépeint, Leviathan s’attaque peut-être au conservatisme russe, mais aussi (et surtout) à l’hypocrisie des systèmes bureaucratiques modernes. Une œuvre crève-cœur qui mérite amplement sa place parmi les plus marquantes de l’année.
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de la rédaction