«Devant public» de Guillaume McNeil Arteau – Bible urbaine

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«Devant public» de Guillaume McNeil Arteau

«Devant public» de Guillaume McNeil Arteau

Comme Star Académie

Publié le 18 février 2013 par Camille Masbourian

Crédit photo : Québec Amérique

Un chanteur issu de Star Académie mérite-t-il autant le titre d’artiste que celui qui a grimpé tous les échelons afin d’arriver au sommet du succès et de la popularité? Les vedettes issues des émissions de téléréalité se seraient-elles vraiment retrouvées où elles sont si elles n’avaient pas participé à ces concours? Et quand arrive la deuxième et la troisième édition d’une émission, qu’advient-il des vedettes de la première version? Comment vit-on le retour à la «normalité»? Ce sont ces questions que se pose l’auteur Guillaume McNeil Arteau dans son premier roman intitulé Devant public.

Vincent Théodore n’a rien d’une vedette. Jeune homme ordinaire, ni beau ni laid, très cultivé mais aux aptitudes sociales parfois déficientes, préfère de loin se plonger dans les œuvres de Sénèque que de sortir dans les bars comme les autres jeunes de son âge. Lorsqu’un de ses seuls amis l’invite à remplacer le guitariste de son groupe lors d’un spectacle-hommage à Jean Leloup, Vincent goûte pour la première fois à l’adrénaline que lui apporte le fait d’être sur une scène devant un public en admiration. Vincent renoncera donc à son entrée à l’université pour participer à L’Académie de la chanson populaire, une émission calquée sur Star Académie, d’où il sortira transformé mais surtout en première place (ce n’est pas un punch!) Si les deux premières parties du roman se concentrent sur la transformation de Vincent lors de son passage à l’Académie, les deux suivantes abordent plutôt la célébrité instantanée qu’il devra apprendre à apprivoiser et à contrôler, afin de ne pas retomber aussi vite dans l’oubli. Ce ne sera pas chose aisée.

On lit la première moitié du roman comme on regarde Star Académie: avec un petit plaisir coupable et une curiosité qui frôle presque le voyeurisme. On sait que ce qu’on y lit (ou voit) est plutôt futile, mais on ne peut s’en empêcher. Tout comme les téléspectateurs qui suivent l’émission, on continue notre lecture afin d’être témoin non seulement de la transformation de Vincent, mais également des magouilles qu’il mettra en place afin de sortir vainqueur du concours. Malheureusement, c’est dans la deuxième moitié que ça se gâte. Si on commence par assister à l’ascension fulgurante de Vincent, on tombe rapidement dans une série de clichés tellement exagérés qu’ils en deviennent ridicules. On ne peut pas dire que la fin est prévisible, parce que trop tirée par les cheveux, mais tout ce qui la précède l’est. Le personnage de Vincent n’est pas tellement sympathique non plus. Trop coincé et prétentieux au début, il change rapidement pour devenir tête enflée et égocentrique. Pas tellement mieux. Quant aux autres personnages qui l’entourent, il y a l’animatrice trop joyeuse, le concurrent homophobe limite douchebag, la jeune fille qui a perdu sa mère et doit s’occuper de ses deux jeunes sœurs, une actrice qui a déjà été populaire mais qui est tombée dans l’oubli, le producteur magouilleur et manipulateur, la mère naïve et complètement déconnectée, les amis qui n’ont jamais changé et qui sont tellement simples et gentils, et l’animateur de talk-show désabusé.

L’histoire est inégale, tout comme l’écriture de l’auteur, surtout dans les dialogues, qui sont parfois écrits en joual, parfois en français plus correct. On pourrait croire que cela dépend des personnages, mais ce n’est pas le cas. Un même personnage peut utiliser les deux niveaux de langage au cours d’une même conversation. Et pas besoin d’écrire «queq’chose» pour comprendre que le personnage n’articule pas vraiment toutes les syllabes des mots «quelque chose», ni de remplacer «il» par «y». Le roman est truffé d’exemples du genre. Ça ne rend pas la lecture plus naturelle, au contraire, c’est assez agaçant. Dommage.

Devant public aurait pu être un bon roman, sympathique et divertissant en cette ère où on prend souvent plus de plaisir à scruter la vie des autres qu’à vivre la nôtre. Malheureusement, quelques longueurs (certains chapitres sont consacrés à détailler les vies des personnages qui gravitent autour de Vincent, alors que cela aurait pu être résumé en quelques lignes), et un trop grand nombre de clichés et d’invraisemblances s’accumulent dans une fin précipitée qui, finalement, nous laisse sur une drôle d’impression. Critique caricaturale du côté noir de ce phénomène typique du 21e siècle ou maladresse d’un jeune auteur d’à peine 30 ans qui signe son premier roman? Aucune idée. Mais vraiment, Devant public aurait gagné à être raccourci d’au moins une centaine de pages…

«Devant public», écrit par Guillaume McNeil Arteau, est publié chez Québec Amérique.

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