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Crédit photo : Barclay
Il ne suffit que de quelques notes, une guitare stridente manipulée avec agilité, quelques allitérations et jeux de mots, et sa voix particulière donnant dans les aigus et teintée de son vibrato habituel pour reconnaître la musique de -M-. Mathieu Chedid laisse tomber sa coiffure en forme de M qui l’a fait connaître et choisit sur Îl d’opter pour les lunettes, dessinées par sa fille de 10 ans. Le sixième album du Roi des ombres est lumineux et a une énergie communicative qui saura faire bouger même les moins dégourdis.
Le disque s’ouvre avec «Elle» où musicalement il semble écrire une histoire. Son expérience à titre de compositeur de bande sonore lui sert certainement. Le piano et le bruit d’eau du début cède la place à la guitare et à la batterie dès la fin du premier refrain pour ensuite se terminer dans une ambiance plus aérienne. Dès le départ, il expose les sonorités et les rythmes qui donneront le ton au reste de l’album: «Au fond des haut-parleurs / Les aigus qui grésillent / C’est pour toucher ton cœur». Îl se veut un disque de laisser aller. -M- a voulu se laisser porter par la musique et cela s’entend. Les sons priment sur les textes. La poésie qui, portant la marque de Chedid, fait écho à la musique par la répétition des sons dans les mots employés («La vie tue»). «Laisse Aller» prend des airs de mantra avec la répétition du texte: «Laisse aller / l’eau salée». «Faites-moi souffrir» rappelle la chanson «Fais-moi mal Johnny» de Boris Vian dans le ton bon enfant et la mélodie joyeuse avec lequel l’auteur-compositeur-interprète appelle à la souffrance pour pouvoir être inspiré et souligner le manque de contenu du discours de certaines personnes: «Faites-moi souffrir / C’n’est pas si dur et c’n’est pas pire / Que de parler pour ne rien dire».
Les chansons sont propulsées en grande partie par un rock solide qui prend parfois des accents de musique du monde («Baïa», «Machine»). Son texte le plus revendicateur est «La Grosse Bombe» où -M- souligne le cynisme de la population envers l’attitude des politiciens: «On a beau frapper à votre porte / C’est la sourde oreille qui l’emporte / Alors on s’fait une raison / Et on rentre à la maison», tout en restant dans la légèreté. Une simplicité se dégage dans la chanson «La maison de Saraï» dans laquelle les rimes sont moins recherchées.
Mathieu Chedid sait trouver des refrains que l’on retient facilement et que l’on pourra chanter en chœur avec lui lors de son passage à Montréal lors du festival Montréal en lumière les 21 et 22 février prochains sur la scène du Métropolis. On sent que l’auteur-compositeur-interprète a voulu explorer divers univers dans son Îl. -M- communique très bien l’esprit lumineux qui l’habitait lors de la création de l’album. On apprécie la vivacité de la rythmique et les refrains accrocheurs, mais on s’ennuie quand même un peu de la collaboration avec Brigitte Fontaine de l’album Mister Mystère. Îl est un disque sorti tout droit des entrailles de son créateur où il nous tarde de pouvoir partager l’intensité de -M- sur scène.
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de la rédaction