«Un jour le vieux hangar sera emporté par la débâcle» de Robert Lalonde – Bible urbaine

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«Un jour le vieux hangar sera emporté par la débâcle» de Robert Lalonde

«Un jour le vieux hangar sera emporté par la débâcle» de Robert Lalonde

De jolis mots pour une période trouble

Publié le 14 janvier 2013 par Sophie Boileau

Crédit photo : Les Éditions du Boréal

De notre naissance à notre mort, nous faisons des rencontres qui viendront marquer notre vie. Certaines plus que d'autres, évidemment. Que ce soit des amis, une cousine, un professeur ou une copine, des liens se tissent et influencent le cours de nos jours, qu'ils soient bons ou mauvais. C'est dans cette perspective que s'inscrit Un jour le vieux hangar sera emporté par la débâcle de l'écrivain et acteur Robert Lalonde, disponible en librairie depuis le 25 octobre 2012.

Toutes ces rencontres nous sont racontées par le narrateur. Un «je» sans identité précise à la recherche de sa place dans le monde. Parmi ces personnalités importantes dans l’enfance du narrateur, il y a Clément, l’ami qui l’aide à replonger dans ses souvenirs. Ceux avec Stanley, Serge, Éloi, Claire, Delphine, le père Arcos, etc. Le narrateur est l’enfant qui découvre l’adolescence puis l’adolescent qui passe dans l’univers des adultes avec tous les doutes, les regrets, les remords et les peurs qui peuvent en découler.

Ces deux passages se divisent en deux cahiers. Le premier s’intitule Le hangar et aborde l’enfance du narrateur qui vit difficilement les transformations qui subsistent autour de lui, comme ses amis, qui commencent à s’intéresser aux filles (dans ce cas-ci sa cousine Claire) et l’idée de devoir mettre une croix à ces nombreuses rêveries d’enfant. Le second cahier a pour titre L’île. Le narrateur y raconte l’apprentissage qu’il fera au collège, les nouvelles amitiés qui se formeront loin des démons de jadis et les expériences qui amèneront le narrateur à quitter de plus en plus l’adolescence.

Robert Lalonde trace les lignes de l’histoire et laisse le lecteur compléter le dessin. Chaque tranche de vie des personnages est évoquée par le narrateur plutôt que raconter en détail. On plonge dans la vision du conteur à un moment précis de sa vie sans que ce ne soit défini temporellement dans le roman. L’histoire aurait très bien pu être écrite il y a 50 ans, tellement les mots et la façon de raconter sont intemporels. L’auteur manie les mots magnifiquement, sa prose frôlant la poésie: «Le brouillard vert de l’aurore boréale me tenait lieu d’horizon. Il neigeait des étoiles sur ma tête. La puissante réalité de mon rêve faisait de mon présent un fantôme.»

Lalonde a affirmé en entrevue avoir une préférence pour les histoires qui ne donnent pas tout aux lecteurs, qui les laissent travailler un peu. On peut dire que Un jour le vieux hangar sera emporté par la débâcle atteint son objectif. Plusieurs idées restent en suspend, ce qui peut parfois irriter parce qu’on a l’impression de ne pas avoir tous les morceaux du casse-tête pour bien comprendre la psychologie des personnages. L’absence d’identité précise au narrateur sert l’intemporalité du récit, mais garde aussi une certaine distance avec le lecteur qui, faute d’information sur lui, peut avoir de la difficulté à s’identifier à celui-ci. De plus, le premier cahier est plus décousu, alors que l’on suit avec intérêt l’épisode d’Alma, l’outarde rescapée, l’auteur entrecoupe celui-ci d’autres récits comme, par exemple, un jour de pêche avec Serge, pour ensuite retourner à l’histoire d’Alma. L’esprit un peu plus désorganisé est peut-être une façon de refléter celui de l’enfant ou encore la façon dont le narrateur se replonge dans ses souvenirs avec son nouvel ami Clément. Cela dit, le lecteur doit être très attentif à l’histoire sinon il risque de se perdre. Le second cahier, tant qu’à lui, coule un peu plus de source. On cerne davantage les personnages et le récit semble enfin avoir trouvé son rythme.

Les histoires évoquées par le narrateur sont, somme toute, assez divertissantes. Les images employées par l’auteur sont colorées et magnifiquement bien exposées. Par contre, le récit est fait d’une façon presque métaphorique par moment que l’on ne ressent pas toujours la tristesse ou le désespoir décrits par le narrateur. Les mots s’enlignent sur le papier tellement joliment qu’il devient difficile d’entrevoir ce désespoir et la difficulté des deuils qu’a à faire son personnage principal.

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