ThéâtreCritiques de théâtre
Berlin, Amsterdam, Paris, Avignon, Boston, New York et Bruxelles sont des destinations arrimées et bridées au chapeau des monologues voilés après avoir parcouru des lunes de kilomètres à dos de théâtre. La production, écrite et mise en scène par Adelheid Roosen, marque l’éminence d’un triomphe sur la sphère montréalaise en direct de la Cinquième Salle de la Place des Arts.
Nous buvons des yeux, leurs yeux
Inspirée des Monologues du vagin de la dramaturge et féministe américaine Eve Ensler, voilà que c’est au tour des quatre comédiennes Jamila Drissi, Morgiane El Boubsi, Hoonaz Ghojallu et Hassiba Halabi de révéler un fragment des histoires coraniques. En vérité, soixante-dix femmes musulmanes issues de l’immigration marocaine, algérienne, turque, égyptienne, somalienne, iranienne et irakienne, âgées de 17 à 85 ans, ont raconté leur lutte. Cette médecine du calme intergénérationnel, à savoir l’ataraxie, était la prospérité d’une tribu de femmes musulmanes voulant détruire tous les tabous existants.
Ces femmes habitantes des Pays-Bas se sont lancées avec justesse et intensité sur des sujets précaires et fragiles. Leurs vulnérabilités forment le discours assujetti au rythme précis d’une poésie singulière et commune. Après neuf ans d’existence, Les monologues voilés ne font que grandir dans les contours d’une histoire aux confessions désolantes et ô combien accablantes.
Ouverture d’une mentalité en toute légalité
Le décor s’enracine telle une intelligence lumineuse et dense. Laissant libre cours aux joies, aux génies corporels et aux circumambulations dansées (samas) des comédiennes. L’une les accompagnait de sa voix chaudement gutturale et de son instrument, une darbouka. Le quatuor nous invitait dans son nid. Nous sentions l’urgence, la profondeur dans tous les témoignages dépasser la peur, la peur du jugement.
Le calame à l’encre noir et sincère nous dépeignait le parchemin musulman dans tout son réalisme, au plus saignant de sa bataille. Effectivement, l’écriture simple, à la fois crue, nous épinglait au livre sacré de l’Islam. Révolution des tabous, des prohibés et des interdits, ces comédiennes étaient vêtues de révolution sensorielle, de charme et d’audace. Également, dans la plus haute sphère de l’émotion, l’humour charmait de plein fouet.
Un oui, un panache, une éloquence. Ce spectacle nous a ouvert les yeux sur la vie des femmes musulmanes. La femme islamique n’est pas qu’histoire de voilage, voilure ou voile. Ce sont des êtres avec des désirs, de l’exaltation, des envies, de l’euphorie et surtout, du respect. De cette fouge impulsive ont germé douze monologues dédiés à la parole de ces femmes. Alors, cette peau théâtrale a dépouillé de force la soumission au mal, au viol, à la violence faite aux femmes et aux mariages dressés de force. Ces discriminations en tant que femme dépouillée de son humanité et piétinée de ses légitimités sont réellement de ce monde. Avant tout, cette pièce est la mise en mots d’un fait actuel et surnageant. C’est à cet égard que nous assistons à la rencontre d’une culture de la femme qui doit s’accommoder à une vie qui ne lui appartient pas.
La pièce Les monologues voilés est présentée jusqu’au 15 décembre 2012 à la Cinquième Salle de la Place des Arts.
Appréciation: ****
Crédit photo: Geoffroy Kaisin
Écrit par: Justine Boutin-Bettez