LittératureRomans québécois
Après Le sang des colombes, paru chez VLB Éditeur en 2007, l’auteur d’origine saguenéenne Dany Leclair replonge dans les souvenirs de la vingtaine en revêtant les traits de Christian Gingras, un jeune homme brillant qui a quitté sa terre natale pour aller étudier dans le tourbillon urbain qu’est Montréal. À travers les difficultés qu’un tel déracinement impose, une question demeure, toutefois: y trouvera-t-il la liberté et le bonheur escomptés?
Adolescent au dos large et un brin naïf, Christian se rend vite compte, dès son arrivée dans la métropole, que la grande ville n’est pas de tout repos. La vie en colocation, quant à elle, n’a pas toujours les charmes des premiers jours, et il ne se serait sûrement jamais douté, d’ailleurs, que la plantureuse Sarah, son infidèle amante, lui en ferait voir de toutes les couleurs en s’éclatant au lit avec ses propres chums.
La nouvelle vie de Christian possède pourtant tous les attraits du parfait touriste en terre étrangère: la flamboyante Montréal avec sa faune et ses nombreux bars, la vie estudiantine insouciante, l’appartement chaotique mais confortable de GG, Snare, Martel et Pélo, son refuge situé rue Saint-Christophe, sans oublier son logis tout coquet; le problème, c’est que Sarah, avec laquelle il cohabite depuis peu, est une jeune princesse pauvre et insouciante qui n’a aucun atome crochu avec lui, outre peut-être sa soif inextinguible de sexe.
Christian Gingras, tel un funambule en déséquilibre sur son fil, déambule dans les rues de Montréal avec une assurance précaire et peu convaincante. S’il n’a pas eu le cul béni depuis sa naissance, ses parents n’ont en effet jamais été très riches, ce dernier a tout de même eu le courage de quitter le Saguenay pour bâtir un avenir aux fondations solides duquel il réussirait peut-être, un jour, à en retirer fierté et bonheur. Cependant, les mauvaises nouvelles pleuvent comme la pluie après le beau temps et Christian s’enfonce de plus en plus dans la noirceur d’une ville agitée de laquelle il n’arrivera jamais, hélas!, à faire sienne.
Le Saint-Christophe n’est ni un incontournable ni un coup de cœur; c’est un roman bien écrit, d’une politesse parfois exagérée car Dany Leclair, nouvellement quarantenaire, raconte avec ses mots d’aujourd’hui son drame d’hier. Si les bouleversements survenus dans la vie de Christian peuvent parfois paraître trash, le style de l’écrivain, originaire de La Baie, s’apparente davantage à celui de Vic Verdier que Stéphane Dompierre. Non pas qu’une plume au goût du jour aurait nécessairement ajouté un charme à son roman, mais un style davantage relâché aurait peut-être permis à Dany Leclair d’attirer un lectorat moins matante et plus diversifié.
Le Saint-Christophe, malgré son style léché, reste un beau clin d’œil à la vie universitaire tumultueuse qu’a vécue Dany Leclair à l’orée de la vingtaine. Évidemment, il y a une bonne part de fiction à ce récit, mais l’intention demeure universelle. En effet, qui n’a pas un jour ressemblé à Christian Gingras, ce jeune étudiant naïf qui se rend vite compte que la vie n’est pas toujours une partie de plaisir et qu’il vaut parfois mieux s’écouter que de vouloir toujours plaire aux autres?
Appréciation: ***
Crédit photo: Québec Amérique
Écrit par: Éric Dumais