«Urushi», point d’orgue d’Une clochette sans battant, confirme le singulier talent d’Aki Shimazaki – Bible urbaine

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«Urushi», point d’orgue d’Une clochette sans battant, confirme le singulier talent d’Aki Shimazaki

«Urushi», point d’orgue d’Une clochette sans battant, confirme le singulier talent d’Aki Shimazaki

Un cinquième et dernier volet qu’on découvre avec délectation

Publié le 3 juin 2024 par Agnès-Irène Orsini

Crédit photo : Actes Sud

La délicate sonorité de cette Clochette sans battant, pentalogie d’Aki Shimazaki ponctuée par la publication d’«Urushi» chez Actes Sud en mai 2024, résonne en nous d’une façon extrêmement prégnante.

Un ouvrage à cinq délicates facettes

Aki Shimazaki est une écrivaine québécoise née au Japon. Elle s’est établie au Canada en 1981 et à Montréal en 1991. Elle écrit en français et ses livres ont été traduits dans de nombreuses langues. Elle a reçu plusieurs prix littéraires, comme le prix Ringuet, le prix Canada Japon, le prix littéraire du Gouverneur général du Canada et le prix Hervé Foulon – Un livre à relire.

Elle publie des cycles de cinq romans d’une centaine de pages s’articulant autour d’une même histoire. Chaque volet qui présente le point de vue de cinq personnages différents peut se lire indépendamment des autres, dans l’ordre que l’on souhaite.

C’est le cas de Clochette sans battant, pentalogie publiée entre 2020 et 2024:

Suzuran: Anzu Niré, fille cadette de la famille, est divorcée et vit seule avec son fils Toru. Son métier de céramiste la passionne, tient une grande place dans son quotidien, et c’est une des raisons pour lesquelles elle ne cherche pas à retrouver de compagnon. L’arrivée de sa sœur aînée Kyoko, venue présenter son fiancé à sa famille, et des révélations sur certains faits passés, vont faire chavirer sa vie.

Semi: Tetsuo et Fujiko, les parents, ont emménagé dans une résidence pour personnes âgées, pour faire face à la maladie de Fujiko qui perd gravement la mémoire. Elle ne se souvient pas qu’elle s’est mariée et prend son mari pour son fiancé. Ce dernier en est ébranlé, mais se prête à ce jeu étrange. Ce roman va vous révéler des pans intimes de la vie de Fujiko et de son couple.

No-no-yuri: Kyôko, la fille aînée, vit à Tokyo. Elle occupe un poste de secrétaire de direction dans une grande entreprise de cosmétiques et voyage régulièrement dans ce cadre. Très séduisante, elle enchaîne les conquêtes. Son patron quitte la société et se voit remplacé par un homme plus jeune. La vie de Kyoko va alors prendre un nouveau tournant.

Niré: Nobuki, le fils, jeune frère de Kyoko et Anzu, est heureux avec son épouse et ses deux fillettes. Ils attendent la naissance d’un troisième enfant. Nobuki rend régulièrement visite à sa mère Fujiko dont l’état se dégrade et qui finit par ne plus le reconnaitre, le considérant comme un «gentil monsieur». Dans ce contexte particulier, Nobuki découvre le journal intime de sa mère, caché dans le tiroir de son bureau d’écolier qu’il a récupéré. Ce journal va lui révéler des informations très troublantes sur ses origines et sur les pensées intimes de sa mère.

Urushi: Fille de Kyoko, décédée prématurément, Suzuko Niré a été élevée au sein d’une famille recomposée constituée de son propre père, de sa tante Anzu qui est sa mère adoptive, et de Toru, son cousin également devenu son frère. A l’âge de 15 ans, Suzuko tient plus que tout à rejoindre Toru qui a quitté la maison. Un soir en rentrant de l’école, Suzuko découvre un moineau blessé qu’elle recueille et qu’elle perçoit comme le miroir de ses propres fragilités.

«Toru avait onze ans lorsque je suis née. Il me choyait moi, sa nouvelle petite sœur. Il m’emmenait partout et me présentait fièrement à ses amis. Généreux, calme et courageux, il était respecté par ses camarades. Dans notre quartier, les enfants m’appelaient «la chouchoute de Toru». Heureuse, je rêvais de vivre auprès de lui pour toujours.» – Extrait d‘Urushi, paru en mai 2024

Photo: D. R. @ Leméac Éditeur

Un cinquième et dernier volet qu’on découvre avec délectation

J’ai rapidement éprouvé une grande attirance et admiration pour l’œuvre délicate et pudique d’Aki Shimazaki. J’avais bien hâte de lire ce nouveau chapitre de la vie de ces personnages et de découvrir l’ensemble de ce tableau d’une grande beauté, qu’annoncent d’ailleurs des couvertures aux photos très évocatrices et soignées.

L’auteure nous fait voyager dans un Japon moderne dont les mœurs ont certes évolué, mais qui reste empreint de fortes valeurs, d’une esthétique inégalée, où la nature et les saisons rythment la vie. Son écriture m’apparaît belle, épurée, essentielle, et c’est magnifique qu’elle nous permette de découvrir en français toute la subtilité de sa culture japonaise.

Ses récits sont une grande tolérance et un profond respect de ses personnages, quels que soient leurs choix, leurs actes et leurs pensées.

Ses romans nous incitent à méditer sur nos origines, le sens de notre vie, la fragilité de notre mémoire, nos peines, nos joies, nos inclinations, le mystère de nos parcours qui peuvent se révéler sinueux, mais qui sont en réalité le reflet de la profondeur des âmes humaines.

Bien que présentant les points de vue singuliers de personnages évoluant dans des contextes bien particuliers au Japon, elle aborde en effet des thèmes parfaitement universels qui nous touchent profondément.

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