Littérature
L’historien Charles-Philippe Courtois, professeur d’histoire adjoint au Collège militaire royal de Saint-Jean et l’historienne Julie Guyot, enseignante en histoire au Collège Edouard-Montpetit, dirigent ici une équipe d’historiens spécialisés en histoire du Québec et du mouvement patriote afin de nous offrir un ouvrage novateur et original. Bien que très d’actualité dans les publications historiques récentes, l’histoire du mouvement patriote est cette fois-ci présentée avec un point de vue intellectuel et culturel, de manière à comprendre d’une part les origines et les influences de la culture générale des Patriotes, mais d’autre part de réfléchir sur la portée de leur culture sur la société québécoise actuelle.
La question «d’où vient cette culture?» interroge les sources de la pensée politique des Patriotes, liées à la circulation des idées dans l’espace atlantique. Comment les Patriotes forgèrent-ils leurs idéaux et définirent-ils leurs objectifs politiques? Quelles étaient les lectures courantes et fondamentales des Patriotes?»
Le résultat de cette collaboration d’historiens spécialisés en histoire du Québec tels que Gilles Gallichan, Gilles Laporte, Marc Chevrier ou Éric Bédard, est l’équivalent de la publication d’actes d’un colloque spécialisé, puisque chaque spécialiste apporte un point de vue empreint d’érudition, de même que des informations très détaillées et appuyées de nombreuses références documentaires. Les sujets abordés en lien avec ce qui a composé la culture des leaders du mouvement patriote vont dans plusieurs directions. Les historiens s’interrogent aussi bien sur la source d’un certain républicanisme québécois lié aux révolutions américaine et française, qu’aux enjeux plus locaux qui ont à leur façon ponctué l’histoire de la rébellion de 1837-1838. D’autres historiens tels que Louis-Georges Harvey, Marc Chevrier et Marc-André Bernier vont jusqu’à puiser dans l’histoire et la philosophie de l’Antiquité grecque et romaine pour expliquer un certain cheminement intellectuel des Patriotes.
En effet, comment les réflexions de l’Antiquité ont-elles pu constituer l’une des bases de la culture patriote? À cet égard, l’article de Louis-Georges Harvery de l’Université Bishop’s intitulé: «Rome et la république dans la culture politique des patriotes» offre un bel exemple de la richesse de ce collectif historique. L’article commence en effet par une question non sans humour: «Comment forme-t-on une tête à Papineau?» et permet de décortiquer quelque peu l’idéal républicain qui se cachait derrière le mouvement patriote, idéal qui n’a pas toujours été mis de l’avant dans les analyses historiques en lien avec les rébellions. L’auteur se permet ainsi de nous rappeler que l’éducation des collégiens du XIXe siècle au Québec comprenait sa part d’étude de textes de l’Antiquité et conséquemment de réflexions sur le système républicain, notamment avec des textes de Cicéron. N’oublions pas l’importance quelque peu scolastique de la rhétorique dans l’éducation libérale des jeunes garçons du Bas-Canada, discipline difficilement dissociable de la pratique de la politique. Cette étude des textes anciens n’a pu que susciter une réflexion sur ce que devait être un État, mais aussi sur ce qu’était fondamentalement la liberté.
Voici donc un exemple concret de ce que nous pouvons retrouver dans cet ouvrage, qui nous offre incontestablement un nouvel angle d’analyse de l’histoire des Patriotes et surtout de leur influence sur notre société actuelle. Bien que chaque historien ait son style d’écriture propre à lui, l’ouvrage respecte en tout point ce qu’on attend d’une publication historique de type universitaire et est somme toute uniforme. Certes, cet ouvrage s’adresse avant tout aux amateurs d’histoire du Québec et de l’histoire du mouvement patriote, mais la diversité dans angles d’approche peut intéresser toute personne quelque peu portée vers l’étude et la compréhension des origines des idées politiques au Québec, mais aussi ailleurs dans le monde. Il serait même un excellent outil de réflexion pour les étudiants dans le domaine des sciences politiques. Il s’agit finalement d’un bon livre d’histoire original à posséder dans sa bibliothèque!
Appréciation: ***½
Crédit photo: Les éditions du Septentrion
Écrit par: Evelyne Ferron