3 suggestions de bandes dessinées à découvrir cet automne

Mégantic, un train dans la nuit : une BD militante et bouleversante

Quels événements ont conduit à la tragédie du 6 juillet 2013 à Lac-Mégantic? Et que s’est-il passé juste après? L’autrice Anne-Marie Saint-Cerny a mené l’enquête en Estrie quelques jours après l’accident, une investigation qu’elle a continuée pendant plusieurs années avant d’en tirer un essai paru en 2018. Les éditions Écosociété en ont encouragé l’adaptation en bande dessinée avec la complicité du talentueux dessinateur Christian Quesnel.

Extrait de Mégantic, un train dans la nuit, par Anne-Marie Saint-Cerny et Christian Quesnel

Terrible fable capitaliste, Mégantic, un train dans la nuit est une bande dessinée engagée et militante rappelant que la sécurité, l’environnement et les vies humaines n’ont que peu de poids pour les compagnies pétrolières et de chemin de fer, plus intéressées par l’appât du gain. Malheureusement, ces compagnies sont aussi des lobbys puissants qui ont l’oreille de nos dirigeants, au plan municipal, provincial et fédéral. 

Richement illustrée et impeccablement scénarisée, cette bande dessinée livre une narration étoffée et émouvante. On passe, page après page, de la tristesse à la colère, de la compassion à l’indignation. Une lecture qui bouleverse et qui fâche, qui tombe à point nommé puisque le procès en action collective des victimes de Mégantic contre le Canadien Pacifique doit débuter à Sherbrooke fin septembre.

Anne-Marie Saint-Cerny et Christian Quesnel, Mégantic, un train dans la nuit, Écosociété, 2021, 96 pages.

Papier Bulle: un doux roman illustré

Vous le savez, je chronique principalement des BD! Mais cet ouvrage illustré a tout de suite retenu mon attention en raison de ses douces illustrations signées Ève Patenaude. Il raconte l’histoire d’Hortense, une jeune fille hémophile que ses parents aimeraient enrouler dans du papier bulle pour la protéger de tous les dangers. Mais Hortense n’a pas peur de son sang qui coule et coule et coule. Elle souhaiterait que les autres arrêtent de la scruter et rêve de faire du karaté.

Extrait de Papier Bulle, de Simon Boulerice et Ève Patenaude

Au fil des pages, Hortense prend son envol et s’émancipe du regard (et des craintes) des autres, une émancipation qui explose quand elle devient menstruée. Le texte de Simon Boulerice, poétique, court au fil des pages en résonnance avec les tendres dessins d’Ève Patenaude. Ces derniers font hommage à la culture de l’illustration japonaise, tant dans le style que dans la technique. La dessinatrice s’est en effet armée de feutres à l’alcool, traditionnellement utilisés pour les mangas, qui «saignent» au verso des pages. Le sang d’Hortense y est représenté comme des fleurs rouges, qui s’épanouissent en même temps que la jeune fille.

Ce roman illustré est adressé aux 12 ans et plus. Il plaira aux adultes autant qu’aux jeunes!

Simon Boulerice et Ève Patenaude, Papier Bulle, Éditions XYZ, 2021, 90 pages, 24,95$

Autobiographie dessinée: Pucelle, t. 1 et t. 2, par Florence Dupré la Tour

Le deuxième tome de cette bande dessinée française est parue récemment aux éditions Dargaud. C’est l’occasion pour nous de découvrir les deux volumes de cette autobiographie de Florence Dupré la Tour. Issue d’un milieu bourgeois, chrétien, raciste et conservateur (le full package), la petite Florence grandit dans les années 1980, angoissée par «les choses dont il ne faut pas parler». Son éducation et les silences entendus des grandes personnes la placent en porte-à-faux avec sa curiosité.

Pucelle, tome 1 et tome 2, par Florence Dupré la Tour

La petite fille, devenue adolescente dans le deuxième tome, développe ainsi un rapport conflictuel avec son corps, son intimité et, ultimement, avec ses parents. Ce conflit intérieur explose au fil des pages, livrant le portrait cru et torturé d’une jeune ado déchirée entre son éducation, sa curiosité et ses pulsions.

Pleine de promesses, la bande dessinée est centrée sur le rapport au corps de l’autrice et sur sa découverte de la sexualité. Pourtant, les deux albums peinent à se décentrer de l’expérience personnelle de Florence Dupré la Tour pour porter un regard plus englobant sur ces problématiques de société. En bout de ligne, la BD peine, à mon sens, à résonner avec le monde d’aujourd’hui et livre un discours un peu daté.

Florence Dupré la Tour, Pucelle, t. 1 Débutante, Dargaud, 2020, 185 pages, 34,95$ – Florence Dupré la Tour, Pucelle, t. 2 Confirmée, Dargaud, 2021, 224 pages, 36,95$