SortiesL'entrevue éclair avec
Crédit photo : Schaël Marcéus
Schaël, tu es photographe et réalisateur professionnel, et tu te passionnes pour des projets artistiques de tout genre depuis plusieurs années déjà. Parle-nous un peu de ton parcours! Peux-tu nous raconter brièvement à quel moment ta passion pour les arts visuels a fait son entrée dans ta vie?
«Je viens d’une famille de musiciens, de chanteurs et de couturiers, les arts ont donc toujours été présents dans ma vie. Je fais de la photographie sérieusement depuis environ cinq ans. Je dis sérieusement, parce qu’au début, j’avais simplement commencé à faire de la photo en périphérie de mes autres projets, comme une façon d’utiliser mes connaissances en cinéma pour avoir un résultat final plus rapidement que les mois que peut prendre la réalisation d’un court ou d’un long-métrage.»
«J’ai un cousin, Lensley, qui, à l’époque, débutait sa carrière de mannequinat, donc c’était le timing parfait pour nous deux. Après un certain temps, tout a déboulé, et je me suis retrouvé à travailler presque exclusivement en photographie. J’ai donc dû passer par-dessus mon syndrome de l’imposteur, un peu!»
Avec près d’une dizaine d’expositions à ton actif, en plus d’avoir travaillé sur des films indépendants ainsi que pour des magazines de mode, on peut dire que tu es très prolifique en tant que créateur! Peux-tu nous en dire plus sur ton processus créatif, notamment sur la façon dont tu conçois ton univers visuel et sur ce qui t’inspire dans le cadre de ton travail?
«Souvent, les sujets au coeur de mon travail sont les gens autour de moi, celles et ceux avec qui je partage ma vie. Ma famille et mes amis m’inspirent beaucoup dans ce que je fais.»
«Ce qui est important, pour moi, quand je photographie quelqu’un, c’est la connexion sur le moment plus que l’aspect technique. J’essaie d’aller chercher une certaine sensibilité qui me force à cultiver un lien de confiance avec la personne devant ma caméra. C’est justement pourquoi je préfère de loin la photographie argentique; ça me permet de ralentir les choses.»
En explorant tes projets artistiques, il est facile de constater que l’humain est au centre de ta démarche artistique, puisque tu accordes une importance particulière à la diversité ethnoculturelle et sexuelle, prônant du même coup l’inclusion et l’acceptation de soi et des autres. Peux-tu nous expliquer brièvement l’omniprésence de la diversité dans tes œuvres, et nous dire si, d’après toi, l’art peut créer des changements significatifs dans notre société?
«En grandissant, j’ai toujours su que je voulais oeuvrer dans le domaine des arts. Plus jeune, le jeu m’intéressait vraiment; mes frères, ma soeur et moi on s’amusait à réaliser nos propres courts-métrages ou vidéoclips pour passer le temps. Ça m’a amené à découvrir ce qui se cachait derrière la caméra, dont la photographie. J’ai aussi eu un intérêt pour le théâtre, mais maintenant, c’est la photographie qui me passionne.»
«L’une des choses que ces médiums-là ont en commun, c’est la sous-représentation des gens provenant des minorités culturelles et sexuelles, comme moi. Particulièrement dans le contexte actuel québécois, j’ai toujours eu de la difficulté à m’y sentir fièrement représenté. Ce n’est pas la chose la plus encourageante pour un jeune de ne pas pouvoir s’attacher à un modèle qui lui ressemble.»
«On n’a pas besoin de retourner en arrière bien loin pour le remarquer! Prenons l’exemple de la liste des nominations du Gala Artis 2020, où aucune des personnalités honorées n’était issue des communautés PANDC. Notre présence dans les archives n’est pas proportionnelle à l’impact que nos communautés ont eu sur l’Histoire et sur le domaine des arts. Notre travail est bien trop souvent sous-estimé.»
«C’est pour ça que c’est très important pour moi de mettre la diversité de l’avant à travers mon travail; c’est ma réalité. Si quelqu’un, quelque part, voit mon art et se dit que ce genre de profession lui est accessible parce qu’on se ressemble, alors j’ai atteint mon objectif.»
Jusqu’au 27 février, tu présenteras l’exposition JOY AS RESISTANCE à la galerie d’art montréalaise Never Apart, un projet présenté en collaboration avec le collectif By Us For Everyone et Never Was Average. Parle-nous brièvement de cette nouvelle expo et de ce qu’elle représente pour toi!
«JOY AS RESISTANCE, c’est l’initiative de mes amis et collaborateurs de longue date, Joanna Chevalier et Harry Julmice, de Never Was Average. Ils ont remarqué qu’au cours des derniers mois, malgré une plus grande attention portée aux injustices des communautés PANDC, une grande majorité du fil narratif des médias était centrée sur la douleur et la tristesse.»
«Pour ramener le concept des archives à nouveau, ils ont commissionné quatre autres artistes: Niti Mueth, Neldy Germain, Teddy Benson, Grecia Palomino et moi-même, pour qu’on transpose en images ce que la joie voulait dire pour nous.»
«Je pense que c’est très important de se souvenir du fait que l’expression de notre bonheur en tant que personnes noires est une forme de résilience, parce que notre simple bien-être peut déranger certaines personnes. C’est pourquoi j’ai pris le chemin de l’affirmation de soi et que j’expose pour la première fois une image dont je suis le sujet, ainsi qu’une ode à ma communauté.»
«Les œuvres sont massives, donc je suis hyper content que les galeries puissent ouvrir à Montréal, car l’impact est vraiment différent en personne.»
Pour terminer, pourrais-tu nous faire un top 3 des artistes qui t’ont le plus influencé à travers ta démarche artistique?
«Dure question! Rapidement, sans aucun ordre particulier, je dirais Gordon Parks, Devonté Hynes et Chantal Reignault dans les derniers mois.»
Pour lire nos précédents articles «L’entrevue éclair avec» et faire le plein de découvertes, consultez le labibleurbaine.com/nos-series/lentrevue-eclair-avec.
Les oeuvres de Schaël Marcéus en images
Par Schaël Marcéus