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Formé par trois habitués de la scène punk de Tampa en Floride, le groupe Merchandise s’est fait connaître en 2010 avec Strange Songs (In The Dark), un disque de noise pop qui laissait entrevoir un potentiel énorme. Sur ce nouvel album, le son du groupe prend de l’expansion grâce à une réalisation moins délabrée et des structures de chansons plus audacieuses.
Sorte d’album concept sans trame narrative évidente, Children of Desire prend la forme d’une ambitieuse boucle musicale dans laquelle Merchandise multiplie les genres et les idées. Entre les deux passages atmosphériques qui servent d’introduction et de conclusion au disque, le groupe expérimente avec des sonorités post-punk, rock industriel, indie pop et shoegaze. Autant volatiles et imprévisibles soient-elles, les chansons du trio sont soudées par un romantisme ténébreux qui sous-entend une assez forte familiarité avec l’œuvre d’un certain Steven Patrick Morrissey.
Le groupe nous offre sa composition la plus pop en début d’album avec l’ultra-accrocheuse «Time». Sur un hook de guitare qui devrait amadouer les fans de MGMT, Carson Cox chante l’ennui amoureux: «So I took a lover, yeah just to kill some time». Merchandise révèle ensuite l’ampleur de sa créativité avec «Become What You Are», chanson monstre de dix minutes divisée en deux parties bien distinctes. La première partie de la pièce remet le indie britannique des années 1980 au goût du jour avec un riff poignant et une progression d’accords épique. Pour la deuxième partie, le groupe tombe dans le noise industriel en créant une cacophonie assourdissante de synthétiseurs. Le tout forme une imposante épopée musicale qui réussit à marier le penchant pop du trio avec ses tendances plus expérimentales.
Le rock très début-1990 de «In Nightmare Room» trahi l’affection du groupe pour la scène Madchester et l’essor de la période britpop. La guitare semble tout droit sortie d’un single oublié de Suede tandis que les percutions du refrain pourraient facilement être transposées dans un jam d’inspiration acid house de Primal Scream. «Satellites», ballade au piano à la réalisation bien homemade, s’avère être la surprise de l’album. Très loin de leurs influences habituelles, le trio change complètement de registre avec ce petit trésor mélodique. Munie d’arrangements orchestraux détaillés et d’un refrain chanté en chœur, la pièce s’apparente plutôt à des groupes américains tels Grizzly Bear et The National.
Children of Desire prend fin avec «Roser Park», une deuxième chanson colossale qui dépasse la marque des dix minutes et emprunte allègrement à la discographie des Smiths. Grâce à quelques acrobaties shoegaziennes, le groupe réussit à conclure la pièce en ramenant la ligne de basse et la mélodie de guitare de «Time». Malgré l’impressionnante symétrie de la finale, l’auditeur reste légèrement sur sa faim une fois le feedback estompé. C’est le seul point faible d’un album autrement captivant : quelques chansons supplémentaires auraient été les bienvenues.
Appréciation: ***½
Crédit photo: www.stereogum.com
Écrit par: Louis-Jean Trudeau