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C’est hier soir qu’avait lieu au Théâtre de Quat’Sous la deuxième représentation du spectacle de Louis Warynski, alias Chapelier Fou. L’artiste d’origine française, présent à Montréal dans le cadre de la 33e édition du Festival international de Jazz de Montréal, a offert une prestation sans précédent devant un public littéralement hypnotisé de bonheur.
À l’instar de son ami Cascadeur (Alexandre Longo), qui a lui aussi foulé les planches du théâtre durant trois soirs la semaine passée, Chapelier Fou s’est permis une entrée en matière relevant de l’étrangeté, avec, en moins, le déguisement de pilote de chasse de son charmant confrère.
Chapelier Fou, au moment où les lumières se sont tamisées, est en effet resté dissimulé dans l’ombre des coulisses, alors qu’une bande sonore bizarroïde mettait de l’avant une voix tenant un discours impertinent, voire quasi indéchiffrable. Ici, on avait vraiment l’impression d’assister à nouveau à l’entrée en scène de Cascadeur.
Louis Warynski, grand personnage arborant le béret, est arrivé timidement sur scène, se positionnant tant bien que mal, du haut de ses échasses, derrière son équipement moderne à multiple filage, à savoir des claviers de toute acabit, des consoles, une guitare et un violon.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que Chapelier Fou est dans son environnement lorsqu’il bidouille derrière son équipement électronique ou qu’il grattouille du bout des doigts son violon. Il y avait, hier soir, une frontière ineffable entre le multi-intrumentiste et l’orateur, qui semblait vouloir descendre six pieds sous terre plutôt que devoir s’entretenir avec son public, tellement il semblait intimidé par la foule.
Chapelier Fou, à défaut d’avoir fait rire volontairement l’assemblée comme ce clown de Cascadeur, a néanmoins provoqué plusieurs excès de fou rire, et ce, bien malgré lui, car il était drôle à voir, ce Louis Warynski. Il s’enfargeait dans ses mots, prenait sa guitare alors que le morceau suivant n’en contenait pas, mais, surtout, c’est son discours bref et décousu qui a fait rire bien des gens.
Lorsqu’il démarrait sur les chapeaux de roue avec un morceau instrumental d’une grande intensité, le public retrouvait le Chapelier Fou baignant dans son élément, et, comme s’il avait réellement des pouvoirs enjôleurs, le charme exerçait une fascination étrange mais bienveillante dans la salle.
Celui qui arborait, hier soir, un t-shirt sur lequel on pouvait lire «On ne pourra jamais m’arrêter, car je ne vais nulle part» a offert un concert généreux d’une heure et demie, où il a exploré ses anciennes compositions (provenant de ses trois EP), ainsi que celles qui figurent sur son premier album studio, Invisible.
Parfois, Chapelier Fou ressemblait à l’auteur-compositeur-interprète Yann Tiersen, surtout lorsqu’il grattait pensivement du violon, au groupe Metronomy, lorsqu’il mettait de l’avant les claviers et les rythmiques plus électro-pop, aussi au duo brooklynois Ratatat pour les multiples couches ambiantes, ainsi qu’au DJ californien Nosaj Thing, en particulier sur ses morceaux plus atmosphériques et expérimentaux.
C’était, donc, un univers fascinant de l’expérimentation et de la découverte. Chapelier Fou a servi au public des morceaux aussi éclatés qu’hypnotisants, dont «Cyclope and Othello», «Fritz Lang», «Vessel Arches», en collaboration avec son ami canadien Gerald Kurdian, «L’eau qui dort», «Le tricot» et «Magister», avant de conclure après un bref rappel avec l’exquise «Protest», qui a clôturé le spectacle sous une salve d’applaudissements et d’acclamations.
Le public a semblé ravi et littéralement bouche bée devant autant de savoir-faire. Chapelier Fou est décidément, en somme, une belle découverte au sein de la programmation éclectique du Festival international de Jazz de Montréal.
Appréciation: ****1/2
Crédit photo: Jean-F. Leblanc
Écrit par: Éric Dumais