ThéâtreDans la peau de
Crédit photo : Soline Asselin
Cédrik, comme c’est toi qui as eu l’idée de fonder la compagnie, peux-tu nous raconter d’où est né ton intérêt pour le théâtre, et quel a été ton parcours jusqu’à la création de La moindre des choses?
C. «Pour moi, tout a commencé avec l’improvisation. Au secondaire, je me suis rapidement découvert une passion pour la scène grâce aux différents spectacles qu’organisait l’école. En plus de faire de l’improvisation deux à trois fois par semaine, j’animais et je participais à tout ce que je pouvais. Je ne connaissais pas beaucoup le théâtre, mais pour le peu que j’avais vu adolescent, je savais que je voulais faire ça de ma vie. Après mon secondaire, j’ai été accepté à l’École de théâtre du Cégep de Saint-Hyacinthe et c’est là que j’ai rencontré François et d’autres amis qui ont marqué ma vie et ma vision artistique.»
«Puis, alors que j’étais un peu saoul au Zaricot, j’ai dû proposer à trois de mes collègues de classe – mais surtout des excellents chums –, de fonder une compagnie de théâtre dans le but de créer un premier spectacle pour les festivals à l’été. C’est ainsi qu’à l’hiver 2015, François et moi avons créé, avec Audrey-Ann Tremblay et David Bélanger, l’embryon de ce qu’est aujourd’hui le Théâtre La moindre des choses. En cinq ans, les choses ont évolué, on a fait plusieurs projets qui nous ont amené à réfléchir davantage notre démarche artistique et nos intentions avec la compagnie. Aujourd’hui, c’est François et moi qui nous occupons de l’organisme.»
Quelles étaient vos motivations et vos aspirations lorsque vous avez lancé cette compagnie?
F. «Il faut dire qu’à l’origine, c’est Cédrik qui voulait créer une compagnie! Il a toujours été trooper. Au cégep, son plus grand souhait était d’acheter une grande maison pour y faire vivre tous ses amis de théâtre, une espèce de commune où on serait tout le temps ensemble et où on pourrait créer des spectacles. J’ai toujours trouvé ça weird, limite psycho! Je voyais ça comme une sorte de prison théâtrale avec un geôlier qui veut forcer ses amis à faire des spectacles au Fringe… Son idée de fonder une compagnie de création en organisme m’est donc apparue comme étant plus raisonnable.»
C. «Je tiens à préciser que la maison, c’était plus un projet économique qu’artistique, mais on ne reviendra pas là-dessus. Il faut dire que lorsque François et moi avons cofondé La moindre des choses, on avait 21 ans, ce qui est quand même assez jeune, je crois, pour lancer une compagnie de théâtre. Si c’était à refaire, il y a beaucoup de choses que je ferais différemment. On était très naïfs et, essentiellement, tout ce qu’on voulait faire, c’était créer des spectacles parce que c’est ce qui nous passionne. C’était même notre premier mandat artistique: se faire du fun. On s’est fait dire que ça ne passe pas dans les demandes de subventions… Donc, on a dû réfléchir un peu plus! Aujourd’hui, je dirais que ce qui nous motive, c’est le fait de créer des spectacles rassembleurs et accessibles où l’humour côtoie la philosophie dans le but de faire rire et réfléchir. Bref, se faire du fun en faisant semblant d’être intelligent!»
Poisson Glissant, votre nouvelle création, se jouera au Théâtre Aux Écuries du 28 janvier au 15 février 2020. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce «spectacle à tableaux de comédie existentielle»? En gros, qu’est-ce que ça mange en hiver? ;-)
F. «Poisson Glissant est né d’un autre spectacle qu’on avait fait en 2017 qui s’appelait Récréation. C’était un spectacle à sketchs qui explorait les thèmes de la mort et du passage à l’âge adulte. Avec Poisson Glissant, on a choisi de reprendre le même processus de création, c’est-à-dire travailler l’écriture et l’exploration de sketchs comme matériaux de base. Et à force de retravailler le spectacle, j’ai tranquillement commencé à tisser des liens entre chaque sketch dans le but de créer une trame de mieux en mieux définie. Finalement, nous nous sommes retrouvés face à une histoire qui se tient du début à la fin, mais qui se raconte au moyen de différents tableaux. Poisson Glissant s’intéresse également au thème de la mort, mais aussi au sens que nous souhaitons donner à la notion de bonheur au sein d’une société dite de production et de consommation.»
C. «Ce qui relie le tout, c’est la crise existentielle que vit le personnage de Simon. C’est cette crise qui crée l’arc narratif. Bien que sa crise soit profonde et réellement angoissante, Poisson Glissant reste un show complètement niaiseux. On essaie toujours de bien balancer l’humour et la réflexion, c’est pourquoi on dit qu’on fait de la comédie existentielle.»
Pour ce spectacle, c’est toi, François, qui en as écrit le texte; et toi, Cédrik, qui en as fait la mise en scène. Comment avez-vous collaboré et interagi sur le plan créatif pour que ce soit le plus efficace et percutant possible?
F. «Nous avons toujours la même dynamique de travail. Bien souvent, j’écris quelques premières versions de différents sketchs que je présente à Cédrik. On fait un tri là-dedans et on conserve le plus drôle, le plus intéressant, bref, ce qui a le plus de potentiel. Par la suite, je retravaille ces sketchs encore et encore, j’en ajoute de nouveaux, puis on déconstruit et on restructure jusqu’à ce qu’on obtienne le texte final. Par la suite, c’est Cédrik qui prend le flambeau pour la mise en scène. Étant donné qu’il est toujours témoin de toutes mes étapes d’écriture et qu’il me nourrit de ses commentaires, nous avons une vision commune de l’œuvre et le tout s’emboîte naturellement.»
C. «Au-delà du travail que François et moi avons fait ensemble, les personnes dont nous nous sommes entourés jouent un rôle clé au niveau de la création. On a un mentorat artistique avec le Théâtre du Futur, qu’on adore et qui est d’une grande aide depuis le début de la création. Tous les acteurs du projet ont apporté plusieurs éléments du spectacle. Les personnages sont d’ailleurs un peu des archétypes des acteurs qui les interprètent, c’est-à-dire qu’on s’est inspiré du clown intérieur des comédiens afin de créer des personnages qui leur sied bien. On a pensé le show pour eux et avec eux. Ensuite, on est allé chercher des concepteurs qu’on apprécie et qui sauront mener nos ambitions à un niveau supérieur. Ça devient le show de tout le monde, et je pense sincèrement que ça va paraître sur scène et que ça va rendre notre bébitte théâtrale frappante et intéressante.»
À plus ou moins long terme, comment voyez-vous La moindre des choses évoluer: avez-vous déjà un prochain projet de spectacle en tête et, si oui, quelle en sera la thématique principale?
F. «Il est encore trop tôt pour savoir exactement quelle sera la prochaine étape… Pour l’instant, on peut seulement dire qu’il y aura une reprise de notre spectacle précédent Sur Le Divan à l’automne 2020 en périphérie de Montréal. Toutefois, nous avons chacun nos projets personnels. Pour ma part, je travaille en ce moment-même pour Brick et Brack, mon duo de poésie stand-up que je forme avec Sébastien Tessier (qui fait aussi partie de la distribution de Poisson Glissant!) Nous ferons plusieurs soirées de stand-up cet hiver et quelques apparitions à la télévision. J’ai aussi joué dans le court-métrage Landgraves aux côtés de Pier-Luc Brillant et Souldia, réalisé par le jeune prodige du septième art Jean-François Leblanc. Ça sortira sous peu en festival. Faut pas manquer ça!»
C. «Aucune idée! J’aimerais ça vous dire qu’on a plusieurs projets sur la table et que ce n’est qu’un début pour le Théâtre La moindre des choses, mais pour l’instant, on vit Poisson Glissant et on verra ensuite. Je ne vous cacherai pas qu’on est une jeune compagnie de création et qu’il est difficile de trouver du financement pour nos projets. Comme plusieurs autres jeunes compagnies, Poisson Glissant n’a pas reçu de subventions, alors on doit travailler en double pour financer et réaliser le projet en plus de payer nos loyers. On ne se plaint pas, c’est la réalité du milieu et on adore ce qu’on fait, mais pour l’instant, avec La moindre des choses, on est capable de penser un seul projet à la fois. C’est un spectacle super emballant sur lequel on travaille depuis longtemps, alors je me laisse porter par ça et je verrai le 16 février ce que ça me tentera de faire à ce moment-là. :)»