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Crédit photo : Fides
Dans sa volonté de mener sa vie à sa manière et de réfléchir par elle-même, Bianca cherchera à élucider l’énigme de la naissance de Pia, enfant abandonnée, petite servante que toute la famille chérit. Menant son enquête jusque dans les ruelles de Milan, bien décidée à forcer le destin, elle se prendra au jeu de ses déductions et en oubliera un peu sa propre vulnérabilité. Par petites touches, les gestes et les événements s’impriment sur la toile, la sienne, celle de chacun. Mais à la manière de l’aquarelle, ils sont irréversibles et ne peuvent être masqués par une nouvelle couche le lendemain.
«Pourtant, elle n’a pas peur. Pas la moindre crainte. Avant elle, des dizaines d’héroïnes se sont aventurées dans des bas-fonds encore plus ténébreux, armées de leur courage, protégées par des boucliers de sincérité, et elles ont débusqué le mensonge pour faire triompher le juste et le vrai. Elle est un peu exaltée, et c’est pourquoi elle n’a pas peur; mais elle a froid: dans ces ruelles, le soleil n’entre que de biais, et certainement pas à cette heure du jour; et les murs ébréchés dégagent une haleine de dragon.»
Ce premier roman d’une auteure de littérature jeunesse prolifique et traductrice chevronnée (série des Harry Potter en italien, entre autres) est étonnant de finesse et de richesse. Loin de camper ses personnages dans des oppositions manichéennes ou archétypales, il les dévoile peu à peu, sobrement sur le plan dramatique, mais dans une profondeur narrative et linguistique qui entortille le lecteur dans sa spirale à la manière de petites tiges grimpantes. Ainsi par exemple, le poète et maître de maison Don Titta apparaît tantôt solitaire et inaccessible, tantôt aimant et généreux avec ses enfants et ses invités, ce qui intrigue et charme Bianca.
La beauté du texte (traduit de l’italien par François Rosso) équilibre le rythme modéré du récit, dont la progression suit l’adaptation de la protagoniste à son nouvel environnement. Sans focaliser sur les motivations psychologiques, les descriptions regorgent de petits bijoux de métaphores aux qualificatifs parfois singuliers qui font image ou qui installent et perpétuent une atmosphère de drame sans tragédie, lumineux. «Le bleu tout neuf des ciels, qui n’ont jamais été ainsi, qui ont toujours été ainsi, mais la mémoire rend les armes devant la joie et le soulagement: le printemps arrive toujours pour la première fois. (…) L’air est un vin jeune qui échauffe et rafraîchit à la fois, et on le boit par la peau, par les cheveux, par tout le corps; on le boit en allant, tout simplement.»
«L’aquarelliste» de Beatrice Masini (traduit de l’italien par François Rosso), Éditions Fides, 384 pages, 2014, 29,95 $.
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