«À l’état sauvage» de Robert Lalonde aux Éditions du Boréal – Bible urbaine

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«À l’état sauvage» de Robert Lalonde aux Éditions du Boréal

«À l’état sauvage» de Robert Lalonde aux Éditions du Boréal

Au soleil ou au fond des bois, une lecture qui ravit le cœur et l’esprit

Publié le 22 juin 2015 par Isabelle Léger

Crédit photo : Éditions du Boréal

Esseulé, en perte de repères depuis que sa femme l’a quitté, un homme se raccroche à ses obligations d’écrivain populaire pour se convaincre qu’il a toujours une place dans ce monde. Sur sa route, au fil de ses allers-retours, surgiront des personnages parfois connus, parfois inconnus, souvent blessés. Et c’est par ces rencontres que le narrateur cheminera vers l’acceptation du retour À l’état sauvage. Un roman composite, où les sentiments et les souvenirs douloureux se déploient en regards croisés.

Après avoir livré un récit troublant sur sa mère dans C’est le cœur qui meurt en dernier, comme un aparté par le propos et par le style, Robert Lalonde retrouve ici ses thèmes de prédilection: les relations masculines, la construction de l’identité, la quête de sens par l’introspection et l’amour de la nature. À l’instar de Que vais-je devenir jusqu’à ce que je meure? (2005), ce nouveau roman aborde, entre autres, la découverte et la perte de l’amour, la lutte avec des émotions mal comprises à l’adolescence et le grand besoin de soutien dans ce premier tournant de la vie. Lalonde sait restituer le mélange envahissant d’angoisse et d’urgence de la fin de l’enfance, talent qui s’est affiné avec les années.

L’autre comme révélateur de ses failles

Plutôt que de plonger dans un récit de longue haleine, l’auteur a choisi de multiplier les situations et les protagonistes, un peu à la manière d’Un jour le vieux hangar sera emporté par la débâcle (2012). L’assemblage de ces événements intimes crée un portrait rappelant l’effet photographique par juxtaposition d’images. Lui remémorant son enfance, exposant parfois ses limites au don de soi, les jeunes garçons et les hommes qui jalonnent le parcours du narrateur révèlent néanmoins une propension à attirer l’amitié et les confidences. Les chocs et les remises en question qu’ils provoquent, pris individuellement, sont de ceux qui marquent. Mis bout à bout, ils dépassent l’anecdote pour former une sorte de représentation vivante de la nécessaire lucidité dans une démarche d’acceptation de ses propres failles. Un vieux misanthrope lui fera comprendre que «chacun a une grosse rancœur contre le contentement de vivre».

Hommage à la nature

Lalonde renoue aussi avec un style lyrique où l’amour de la nature s’insère, s’infiltre et fait écho à la lutte qui se joue entre les multiples facettes du soi. Ile, lac, fleuve, bois, champ, les éléments de la nature ne sont pas que des paysages chez Lalonde, ils révèlent ce que les personnages ne disent pas ou ignorent. Ce talent-là, exceptionnel, nous est offert avec autant de générosité que d’à-propos. «Jamais le monde ne leur avait semblé plus beau. Le ciel rosé fléché d’hirondelles en noces au-dessus des arbres, les nénuphars en pâmoison au creux de la baie, la fin du soleil et le commencement des étoiles ensemble et en même temps, Céline qui répétait: ‘Tu parles d’une chaleur! Tu parles d’une bonne chaleur!’ et qui se défaisait de son coupe-vent, de son chandail, de ses bottes, de son short, de ses bas…»

Lancé l’hiver dernier, À l’état sauvage n’est pas exactement un roman de plage, mais il pourra très bien accompagner le lecteur désireux de rompre avec le rythme accéléré et réducteur du flux dont il s’abreuve au quotidien. Au soleil ou au fond des bois, c’est une lecture qui imprègne sans lourdeur, qui ravit le cœur et l’esprit.

À l’état sauvage, de Robert Lalonde, aux Éditions du Boréal, 168 pages, 2015.

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