CinémaCritiques de films
Un homme plutôt paumé qui traverse la France sur le pouce avec son fils de cinq ans, une dresseuse d’orques à Marineland, des caméras de surveillance, des grandes surfaces, des combats illégaux organisés par des gitans, peu de paroles, beaucoup de noirceur et une petite pointe d’amour. Dans son plus récent opus, Jacques Audiard a réussi à rassembler tous ces éléments sans que ce soit bordélique. Encore mieux: il a réalisé l’un des plus beaux films de l’année.
Présenté en première québécoise pour l’ouverture du festival Cinémania, De rouille et d’os met en scène Ali (Matthias Schoenaerts), un jeune homme égoïste, renfermé, violent, colérique, sans le sou et qui se retrouve à devoir s’occuper de Sam (Armand Verdure), son fils de cinq ans, alors qu’il peine à s’occuper de lui-même. Il fera la rencontre de Stéphanie (Marion Cotillard), dresseuse d’orques au parc aquatique d’Antibes, sur la côte d’Azur, victime d’un grave accident de travail à la suite duquel elle s’est fait amputer les deux jambes. Cette rencontre sera déterminante pour l’un comme pour l’autre et contribuera à les faire évoluer et changer.
Malgré sa noirceur et sa violence, il ressort de De rouille et d’os une sensibilité et une fragilité étonnantes. C’est d’abord la complexité du personnage d’Ali qui touche particulièrement. Alors qu’il n’a aucune patience envers son fils et qu’il ne semble que savoir crier après tout le monde, il est d’une patience et d’une délicatesse infinies envers Stéphanie, qui elle, sortira de son état dépressif et quasi végétatif pour recommencer à vivre. Matthias Schoenaerts, révélé l’année dernière dans Bullhead, de Michaël R. Roskam, crève l’écran dans ce rôle. Jacques Audiard a affirmé avoir passé plus de 200 acteurs en audition avec de tomber sur Matthias Schoenaerts. L’attente en valait le coup, puisqu’il interprète Ali avec une justesse et une candeur incroyables. Quant à Marion Cotillard, elle séduit, comme toujours, et interprète avec brio les multiples transformations de caractère de Stéphanie. Mention au petit Armard Verdure, qui est d’un naturel si désarmant, qu’il ne semble même pas être conscient de la présence des caméras autour de lui. Il ne joue pas, il est.
Aucune scène de trop dans De rouille et d’os, dont le scénario est adapté d’un roman du canadien Craig Davidson, même que les deux heures ne semblent passer qu’en quelques minutes, ou presque. On alterne constamment entre la pureté et la tranquillité des plages méditerranéennes et la dureté des rings ou des cours cachées où se déroulent les combats d’Ali, ce qui crée un certain équilibre.
Comme son personnage principal, De rouille et d’os est un film dur en apparence, mais duquel on sort à la fois ébranlé et touché. La Palme d’or a échappé à Jacques Audiard en mai dernier à Cannes (pour une deuxième fois face à Michael Haneke, après Un prophète, en 2009), mais il n’en reste pas moins qu’il signe ici un film quasi parfait.
De rouille et d’os sera présenté le samedi 3 novembre à 9h au cinéma Impérial dans le cadre de Cinémania et sortira en salles au Québec le 14 décembre 2012.
Appréciation: ****
Crédit photo: Festival Cinémania
Écrit par: Camille Masbourian