«Illusions» d’Ivan Viripaev, dans une mise en scène de Florent Siaud, au Théâtre Prospero – Bible urbaine

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«Illusions» d’Ivan Viripaev, dans une mise en scène de Florent Siaud, au Théâtre Prospero

«Illusions» d’Ivan Viripaev, dans une mise en scène de Florent Siaud, au Théâtre Prospero

Ce qu’on voudrait bien croire, et ce qui est

Publié le 19 mars 2015 par Alice Côté Dupuis

Crédit photo : Matthew Fournier

Habiles toutes les deux, la scénographie de Romain Fabre et la mise en scène de Florent Siaud nous guident toutefois tout au long d’Illusions afin d’assurer notre compréhension, notamment grâce à des citations projetées sur les murs, mettant l’emphase sur des phrases-clés du texte bien touffu. Comme suivant la chronologie des vies racontées, les comédiens apparaissent aussi en costume de sport, et représentent ainsi aisément la jeunesse, pendant qu’ils racontent la vieillesse. Après avoir couru tout autour de la scène, joué au badminton ou dansé et fait la fête un peu trop dans une boîte de nuit, ils se réfugient dans des activités un peu moins épuisantes, comme la danse en ligne ou le karaoké avec des voix de vieillards. C’est d’ailleurs ce dernier élément qui permet, en fin de parcours, de synthétiser toute l’histoire grâce à une chanson récapitulant la vingtaine de monologues entendus durant la soirée, sur un air bien connu.

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C’est que toute cette œuvre de Viripaev ne sert qu’à «raconter», jamais à «montrer». Alors on raconte. On raconte, durant de longues envolées, tantôt un voyage en Australie du couple Dennis et Sandra, tantôt la mort de cette dernière, puis la discussion qu’elle a eue avec Albert avant de trépasser. Mais grâce à l’absence totale de décor et l’utilisation très parcimonieuse d’accessoires, on ne montre pas. Il y a, bien sûr, ces magnifiques images de plage et d’océan, de baignade et de coucher de soleil qui ornent ici et là les grands murs qui encadrent le vaste espace de jeu, mais ceux-ci se révèlent parfois plus dérangeants qu’utiles.

Impossible, en effet, de réellement traduire les nombreux questionnements qui se trouvent dans Illusions. L’idée que quelqu’un nous aime est-elle suffisante pour que se révèle un amour réciproque? L’amour n’est-il possible que s’il y a réciprocité? Tout est un peu ambigu, et sans doute que chaque spectateur pourrait en tirer une interprétation différente.

Ce qui est certain, néanmoins, c’est que pour faire durer une relation de couple au-delà de 50 ans, il faut – inévitablement? – vivre dans l’illusion. Car entre ce qu’on aimerait croire (que l’amour est suffisant pour être heureux, que si l’on aime, l’autre nous aime forcément en retour, que si on est fidèle et honnête, l’autre le sera aussi) et ce qui est véritablement, il y a tout un monde. Un monde de rêves, de fantasmes, de scénarios qu’on se fait pour aller retrouver un peu d’étincelles, pour pimenter notre vie, de couple ou de façon générale. N’est-ce pas ce qu’est une illusion, finalement, cette marge entre ce qu’on aimerait croire et ce qui existe?

La pièce Illusions d’Ivan Viripaev est mise en scène par Florent Siaud et présentée par le Groupe La Veillée au Théâtre Prospero jusqu’au 11 avril. Elle met en scène Evelyne de la Chenelière, Marie-Eve Pelletier, Paul Ahmarani et David Boutin.

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