Le réalisateur mythique John Carpenter au MTELUS

Dans un MTELUS malheureusement loin d’être plein, plusieurs tables avaient été installées, il ne faisait pas trop chaud, et le spectateur moyen disposait d’amplement d’espace pour respirer. Se procurer une boisson alcoolisée était dans ces circonstances beaucoup plus facile, et il ne manquait plus que la présence du vénéré cinéaste pour que notre bonheur soit total.

Contre toute attente, les lumières se tamisaient à 20h précises, et Carpenter et son groupe entraient en scène. Avec une ponytail malgré sa calvitie et ses cheveux blancs, il était suivi par ses musiciens, dont son fils au clavier. Et c’est le thème d’Escape from New York (1981) qui donnait le coup d’envoi.

On attribue parfois à John Carpenter la paternité du synthwave, ce style musical fortement influencé par les bandes sonores des films des années 1980 et dont les dignes héritiers sont aussi nombreux que variés – on pense ici à Le Matos, à Carpenter Brut (dont le nom fait directement référence au cinéaste) en France, ou encore à Kyle Dixon et Michael Stein, les compositeurs du thème de la populaire série Stranger Things. Car le réalisateur, dès ses premiers films, a lui-même composé la musique de ses films et a conservé cette bonne habitude pour le reste de sa carrière.

Jouant principalement des thèmes de ses films, avec un immense écran derrière lui qui en diffusait d’hilarants extraits, Carpenter semblait être de belle humeur, dansant un peu et faisant quelques blagues probablement bien rodées de temps à autre entre les chansons, ou y allant d’un «Alright!» bien senti. Toute l’opération a eu pour effet de donner envie à beaucoup de spectateurs de revoir la plupart de ces œuvres qui, malgré leur violence souvent caricaturale, demeurent pleines d’un humour et d’une énergie uniques au cinéaste.

Rares sont ses longs métrages qui peuvent être considérés comme peu marquants, et d’ainsi en voir des extraits en alternance nous a rappelé à quel point ses films ont bercé toute notre vie adulte. Je l’ai personnellement découvert avec In the Mouth of Madness, vu au défunt Cinéma Cartier de Shawinigan à sa sortie en 1995, et le film m’a tellement impressionné que je suis retourné le voir le lendemain soir.

La plupart des thèmes mémorables y sont passés, de The Fog (1980) à Assault on Precinct 13 (1976), en passant par le plus connu et mémorable Halloween (1978). On a même eu droit à quelques pièces bien senties de Lost Themes I et II, deux albums de compositions originales sortis dans les dernières années. Starman (1984), sa seule «véritable histoire d’amour», et une pièce qu’il n’a pas composée, était la moins pertinente du lot.

Après avoir brièvement quitté la scène au bout d’une heure de prestation, l’inévitable rappel nous a permis d’entendre les thèmes de Body Bags (1993), Vampires (1998) et Prince of Darkness (1987). C’est le thème de Christine (1983) qui a fait office de clôture, que Carpenter a introduit à la blague: «Faites attention dans les rues en rentrant à la maison ce soir, car Christine rôde sans doute quelque part».

C’était somme toute un concert confortable, pas trop énergique, peut-être parce qu’il avait lieu un lundi soir, peut-être parce que le «chef d’orchestre» est presque sexagénaire, ou peut-être parce que la quantité de spectateurs ne suffisait pas à faire lever le tout. Mais c’était une expérience chaleureuse et agréable, profondément personnelle, que la compagnie d’un réalisateur mythique et incroyablement sympathique a transformé en happening.