«Le petit prince» présenté par les Grands Ballets Canadiens – Bible urbaine

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«Le petit prince» présenté par les Grands Ballets Canadiens

«Le petit prince» présenté par les Grands Ballets Canadiens

Un conte pour enfants revisité par les adultes

Publié le 4 mai 2012 par Éric Dumais

Crédit photo : Jean-Laurent Ratel

C’est hier soir dans l’ambiance chic du Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts que les Grands Ballets Canadiens ont présenté devant public la première du chef-d’œuvre Le petit prince de la chorégraphe Didy Veldman, un ballet inspiré du célèbre conte d’Antoine de Saint-Exupéry.

Comme bien des gens, Didy Veldman n’avait qu’une vingtaine d’années lorsqu’elle a lu Le petit prince pour la toute première fois. Au fil des pages, quel ne fut pas son émerveillement lorsqu’elle a constaté que ce conte impérissable soulevait une source abondante de questions existentielles. Et c’est justement à partir de cet univers singulier, alimenté par la douce poésie et le regard lucide d’un sage qui a largement pensé le monde, que la chorégraphe, avec l’aide du directeur artistique Gradimir Pankov, a tenté de reproduire, par la grâce des corps en mouvements les scènes symboliques d’un grand conte universel, traduit en plus de 250 langues.

Le conte poétique et philosophique Le petit prince d’Antoine de Saint-Exupéry, écrit à New York en 1943, relate l’histoire d’un jeune prince ayant décidé de quitter sa planète, l’astéroïde B 612, afin de partir vers l’inconnu en quête d’amis. À son grand désarroi, et après avoir visité bon nombre de planètes, notamment la Terre, il va vite se rendre compte de l’absurdité de l’existence et de l’emprise de la solitude sur les êtres humains.

Alors que le conte de Saint-Exupéry met plutôt de l’avant un vocabulaire simplet et des aquarelles colorées à l’appui, le ballet de la chorégraphe Didy Veldman proposait, à l’inverse, un dépouillement flagrant au niveau de la mise en scène et des dialogues, mais une grande rigidité au niveau des chorégraphies.

De grands rideaux transparents et un grand écran à effet miroir étaient quasiment les seuls éléments scéniques auxquels le regard du spectateur pouvait s’accrocher. L’attention était a priori portée sur les prestations des danseurs, qui ont offert, et ce, pendant près de quatre-vingt minutes, des numéros de danse moderne à couper le souffle.

À des années-lumière de la figure naïve et curieuse du jeune blondinet imaginé par Antoine de Saint-Exupéry, Kenji Matsuyama Ribeiro, malgré ses cheveux foncés et ses yeux rieurs, avait tout le charme et la grâce d’un petit prince: ténu, le demi-soliste d’origine portugaise a donné devant un public ébahi une performance du tonnerre. En tant que protagoniste, il avait évidemment le beau jeu, mais il serait dommage, néanmoins, de taire les performances renversantes des autres danseurs, qui ont tous été éblouissants, chacun à leur façon.

La qualité première de la danse, «c’est qu’elle ne cherche jamais à expliquer, mais plutôt à révéler, à réjouir, à illuminer», a confié Didy Veldman dans un communiqué officiel. Et c’est à cet exercice de l’esprit qu’a justement été confronté le spectateur hier soir.

Il était parfois difficile de se repérer dans les différents changements de tableaux, la faute étant à l’épurement de la mise en scène, mais il faut cependant avouer qu’il y avait, au niveau des objets et des chorégraphies, une dimension symbolique fort intéressante. Par exemple, au commencement du spectacle, les lumières se sont tamisées pour laisser le champ libre à Kenji Matsuyama Ribeiro, qui ne s’est pas fait prier pour danser avec grâce et volupté. Puis, d’un coup, une quinzaine de chapeaux bruns ont envahi la scène, allusion directe aux dessins du narrateur dans l’histoire de Saint-Exupéry, qui tentait, si l’on se souvient bien, de dessiner un serpent boa digérant un éléphant.

Autrement, les divers personnages que le petit prince a rencontrés durant son voyage tout en danse et en mouvements comportaient de nombreuses similitudes avec ceux du conte, à quelques exceptions près. Le leader, qui faisait office de roi, ressemblait plutôt à un militaire castrant, avec son manteau en cuir et son sifflet posé entre ses dents. Le buveur, qui n’avait point l’air d’un alcoolique, tournoyait autour de six verres déposés par terre. Mais la figure la plus marquante est sans conteste celle de l’homme d’affaires, assis par terre devant un gigantesque cartable rempli de feuilles, criant à tue-tête comme un écervelé une série de chiffres et d’équations disparates, dont il était probablement le seul à comprendre quelque chose.

Par contre, force est d’admettre que sans l’apport de la bande sonore, orchestrée par le compositeur et pianiste Philip Feeney, le spectacle n’aurait jamais atteint les sommets vertigineux qu’il a réussi à surpasser hier soir. On retrouvait, en plus du célèbre «Concerto no. 5 pour piano et orchestre en fa mineur, BWV 1056 mouv. 2, Largo» de Jean-Sébastien Bach, des compositions originales telles que «Kirkuna» de Kimmo Pohjonen, «Death Train» de Dan Jones, «Dream» de John Cage, «Do You Love Me» de The Contours. Très orchestrale, parfois à la limite de l’expérimental, la musique classique apportait définitivement une touche surnaturelle à ce conte fantastique d’une grande beauté.

En somme, les Grands Ballets Canadiens, avec la représentation du petit prince de Saint-Exupéry, n’ont pas failli à la notoriété qu’ils ont acquise depuis leur création en 1957. La trentaine de danseurs, ainsi que l’équipe technique, ont tous offert un travail de génie, par contre, une mise en scène plus élaborée aurait gagné en mérite.

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