«Tall Tall Shadow», troisième album de Basia Bulat – Bible urbaine

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«Tall Tall Shadow», troisième album de Basia Bulat

«Tall Tall Shadow», troisième album de Basia Bulat

Dépasser ses limites

Publié le 30 septembre 2013 par Alice Côté Dupuis

Crédit photo : Secret City

C’est trois ans après son dernier effort Heart of my Own que l’auteure-compositrice-interprète ontarienne Basia Bulat renoue avec sa auto-harpe et son doux folk qui lui sied si bien pour offrir Tall Tall Shadow. Ces trois années l’auront certainement aidée à murir, mais ce qui frappe d’abord et avant tout, c’est la force qui se dégage de sa voix, une douce force, tranquille mais assumée.

Si, à l’écoute de Tall Tall Shadow, on reconnaît bien la même Basia Bulat qui était présente sur Oh my Darling (2007) et Heart of my Own (2010), il faut reconnaître que c’est un folk plus moderne et plus achevé qui se retrouve sur ce nouveau projet. Habituée au style plus traditionnel, armée souvent de sa auto-harpe, l’artiste d’origine polonaise a voulu ici dépasser les limites de la musique folk à laquelle elle nous a habitués.

C’est sans doute la raison pour laquelle on retrouve ici et là des instruments qui sont plus électriques, d’autres mêmes électroniques, comme sur «Wires», l’une des pièces les plus rythmées de l’album. Presque idéale  pour les boîtes de nuits, la chanson frappe d’abord par l’harmonie des deux voix chantées par Bulat, dont l’une très grave mais qui séduit, laquelle est supportée par des accords plaqués joliment sur un orgue. Lorsque les percussions et les guitares franches s’y mêlent et créent un rythme régulier et dynamique, il est difficile de ne pas se laisser entraîner.

«Someone» contraste avec cette énergie, mariant un tambour franc mais tout de même discret à un piano à la mélodie régulière pour supporter la douce voix de Bulat qui chante «Someone is there, if you are lost, come find me», avant que le doux violon se fasse entendre pour témoigner du caractère intime de la ballade. Si les textes de l’artiste sont, de façon générale, plus affirmés et personnels que sur les deux précédents albums, on remarque également qu’ils s’adressent toujours à nous, un «you» sans nom, général. «They’re always asking me if I mind; I just tell myself that you keep traveling; You could be in Paris or in Amsterdam all this time».

Pour une diversité d’instruments, il faut écouter «The City with No Rivers», qui offre une mélodie de charango en finger picking, de délicats accords plaqués à l’orgue, une guitare électrique qui crée une ambiance planante, une caisse claire qui produit un rythme constant, presque militaire, le tout mélangé à des instruments à cordes, tantôt pincées, tantôt frottées, pour créer une ballade des plus envoûtantes.

Ce qui charme à coup sûr, c’est aussi l’enregistrement qu’on sent moins soigné, plus naturel et vrai sur «It Can’t be You», qui présente de façon très intime la chanteuse, seule avec sa auto-harpe. On est plus près de ce qu’elle faisait sur ses précédents albums, surtout sur Oh my Darling. C’est également la pièce qui démontre le plus la richesse vocale de Basia Bulat, notamment grâce à des notes très aiguës, toutes en émotion. «From Now On» présente le même type d’ambiance plus intime, des sortes de moments privilégiés qu’on sent voulus par Bulat et ses deux co-réalisateurs, Tim Kingsbury et Mark Lawson de la formation Arcade Fire.

Mais si la douce voix de Basia Bulat est parfaite pour s’harmoniser à des pièces lentes et gracieuses comme l’appel du cœur qu’est «Never Let Me Go», dont le début rappelle presque des chants sacrés, il faut dire que Tall Tall Shadow donne aussi dans les pièces plus rythmées et dynamiques. C’est d’ailleurs le cas de la pièce-titre qui ouvre d’une intéressante façon ce troisième opus. Bien que d’abord en douceur et présentant une voix un peu en réverbération, c’est un crescendo d’instruments qui crée enfin une pièce intense qui dit les vraies choses: «You can’t run away when the shadow is yours». «Promise not to think about love» flirte aussi avec le genre, avec ses hands claps, sa caisse claire rythmée et son doux chœur de «Oh Oh» qui contrastent avec les interludes durant lesquels la cithare et le piano se répondent de jolie façon.

C’est une Basia Bulat plus en contrôle, à la voix plus puissante, mais aussi plus poignante qu’on retrouve sur Tall Tall Shadow et qui n’a rien perdu du folk qu’on attendait de l’artiste, mais qui affiche plutôt un éventail d’instruments et d’influences nouvelles et rafraîchissantes. Si l’album ne réinvente pas la roue, il marque à coup sûr un tournant dans la carrière de l’artiste canadienne, qui a défoncé certaines barrières et qui s’est mise à nue pour offrir ce troisième effort, disponible en magasin dès le 1er octobre sous l’étiquette Secret City Records.

Basia Bulat lance Tall Tall Shadow au Cabaret du Mile-End de Montréal le 1er octobre et au Cercle de Québec le 4 octobre.

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