«Le Mouvement naturel des choses» d'Éric Simard – Bible urbaine

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«Le Mouvement naturel des choses» d’Éric Simard

«Le Mouvement naturel des choses» d’Éric Simard

Incursion intime

Publié le 10 septembre 2013 par Jean-Francois Lebel

Crédit photo : Hamac

Tenir un journal est l'ambition de plusieurs mais la réalisation de très peu. C'est pourtant ce qu’a fait l'auteur Éric Simard pendant de nombreuses années. Construit à partir de fragments de ses journaux intimes, Le Mouvement naturel des choses permet une incursion dans la vie de l'auteur à l'âge de ses vingt ans, soit de 1989 à 1997. Ces écrits très personnels, quatrième publication de l'auteur, s'inscrivent bien dans l'esprit de notre époque où les gens n'hésitent plus à confier leurs réflexions intérieures publiquement sur la toile.

On rencontre Éric alors qu’il a quitté Québec pour venir étudier à Montréal. Le cégep étant bientôt derrière lui, il cherche à savoir ce que l’avenir lui réserve. Ses auditions pour entrer à l’école de théâtre s’avérant infructueuses, il décide de mettre un terme à ses études par manque de motivation. Le jeune homme commence alors à travailler dans une boutique de vêtements. Il suffira à ce dernier de mentionner son salaire (5,50 $) pour que le lecteur soit rapidement plongé dans le contexte de l’époque. C’est ce quotidien qu’on lit à travers les entrées du journal intime qui est divisé par année puis par mois.

Le personnage nous parle de toutes les facettes de sa vie et le journal prend vite différentes allures. Certes, il y a la vie de tous les jours comme le travail (en librairie éventuellement), mais on découvre aussi la passion qu’a Éric pour l’écriture et la culture en général. Grand consommateur culturel, le protagoniste nous partage son avis sur ses lectures, la musique qui l’habite, les films et les pièces de théâtre qu’il a vus. En nous parlant des œuvres qui l’ont touché et des auteurs qui l’ont marqué, le personnage permet au lecteur de dresser un portrait de ce dernier et d’apprendre à le connaître davantage. L’effet est le même lors de son voyage en Europe, alors que son journal prend des airs de carnet de voyage. Cette variété dans le propos permet au roman un certain équilibre avec l’intime qui n’est pas en reste: les sorties dans les bars, les hommes – souvent ambigus – de passage dans sa vie, l’amitié de Gina et ses ambitions.

Éric Simard l’écrivain a aussi une grande place dans les lignes du journal. Jeune homme aux multiples projets d’écriture, il déborde d’idées. Patient et déterminé, il ne cesse d’envoyer ses manuscrits aux maisons d’éditions, persuadé que ses écrits ont leur place dans le paysage littéraire québécois. Bien que le journal prend fin en 1997, on sait que le premier roman de Simard, Martel en tête, fut publié l’année suivante. D’ailleurs, les nombreux projets auxquels il fait référence laissent entendre qu’il y a matière à de nombreuses publications prochaines. Sachant que certaines nouvelles écrites en 1991 ont seulement été publiées dans le recueil de nouvelles Être – que le journal donne le goût de découvrir si ce n’est pas déjà fait – en 2009, c’est au tour du lecteur de s’armer de patience.

Fait intéressant: ce n’est pas la première fois que l’auteur Éric Simard se démarque par la forme de son roman. Pour Le Mouvement naturel des choses, il a retravaillé les fragments de ses journaux afin que la lecture s’en fasse aussi naturellement que pour un roman. Ce travail sur la forme, il en avait déjà fait l’expérience avec Cher Émile où le roman était uniquement constitué de lettres qu’il envoyait à un ancien amant. Cette autofiction, son second roman, rejoint ce journal puisqu’il y mentionne parfois les mêmes hommes. Un regard différent sur les mêmes évènements est donc offert au lecteur: le journal exprimant les émotions du moment présent, les lettres faisant le point sur ce qu’il en a tiré depuis.

Lors de sa lecture du quatrième tome du journal d’Anaïs Nin, Simard écrit: «Si j’aime autant ce journal, c’est que je me reconnais dans son propos». Là réside aussi la force du Mouvement naturel des choses. Ceux qui étaient dans la vingtaine dans les années 90 se souviendront des références culturelles auxquelles l’auteur fait allusion alors que ceux qui sont présentement dans la vingtaine se reconnaîtront dans les réflexions sur l’avenir. S’identifiant au personnage, il est facile pour le lecteur de s’attacher et de se mettre à sa place. Plus qu’une question d’empathie, les pensées et la quête d’authenticité d’Éric sont crédibles et universelles.

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